D’année en année, l’enveloppe continue de s’élargir. En 2021, le royaume a consacré 5,4 milliards de dollars (soit 53,3 milliards de dirhams) de son PIB à des dépenses militaires. Cette part représente une hausse de 3,1 % par rapport aux dépenses similaires de 2020, qui se sont chiffrées à 4,8 milliards de dollars (50,3 milliards de dirhams), selon le dernier rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
Maroc et Algérie, les plus dépensiers en Afrique du Nord
Sans établir de lien direct avec cette hausse, l’institut suédois souligne que “les tensions de longue date entre les deux pays plus grands dépensiers d’Afrique du Nord, l’Algérie et le Maroc, se sont aggravées en 2021”. Manœuvres militaires à la frontière, affaire Brahim Ghali, oasis de la discorde, coupure du GME, accusations de bavures contre les FAR… Avec le Sahara en toile de fond, l’année a été marquée par une ambiance acrimonieuse sur l’axe Rabat-Alger. Celle-ci s’est matérialisée par une crise ouverte qui a frôlé parfois l’affrontement militaire et a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les deux voisins.
Paradoxalement, malgré ses discours belliqueux, l’Algérie a raboté le budget alloué à ses dépenses militaires en 2021 : 9,1 milliards de dollars, soit une baisse de 6,1 %. Néanmoins, ramenées à leur part en proportion de PIB, les dépenses militaires engagées par le Maroc et l’Algérie au cours de l’année 2021 leur permettent de composter leur ticket d’entrée dans le club des pays allouant plus de 4 % de leur PIB à ces dépenses.
L’écart entre les deux pays est considérable : l’Algérie, qui consacre 5,6 % de son PIB aux dépenses militaires, occupe la 4e place, devant l’Azerbaïdjan et derrière l’Arabie Saoudite, tandis qu’avec 4,2 % de son PIB affectés aux dépenses du même type, le Maroc ferme la marche de ce club, derrière l’Arménie. Pour autant, la tendance haussière du budget militaire n’est pas spécifique au Maroc.
Globalement, les dépenses militaires ont augmenté partout dans le monde pour s’établir à 2113 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 0,7 % par rapport à l’année précédente. “En 2021, les dépenses militaires ont augmenté pour la septième année consécutive, pour atteindre 2,1 trillions de dollars. C’est le chiffre le plus élevé que nous ayons jamais enregistré”, a déclaré à l’AFP Diego Lopes da Silva, chercheur au Sipri.
Si le repositionnement par le hard-power fournit une première explication, le déclenchement de la guerre en Ukraine a fini de convaincre plusieurs pays, notamment européens — même ceux qui se déclaraient neutres —, à renforcer leur arsenal et augmenter leur budget alloué à la défense.
Une enveloppe pour financer l’ambition du Maroc
Dans le cas du Maroc, l’explication se trouve peut-être dans la poursuite du programme de modernisation de l’arsenal et de la massification des effectifs des Forces armées royales (FAR).
Entamé en 2012, ce programme devrait permettre de financer le recrutement massif et l’augmentation des salaires des soldats, l’entretien des troupes, la mise en œuvre du service militaire, mais aussi l’achat d’armements sophistiqués.
C’est en sens que le Maroc a entrepris une politique de diversification de ses fournisseurs de matériel militaire au Maroc. Si les États-Unis et la France sont encore prééminents sur cette liste, le royaume semble de plus en plus se tourner vers des pays comme la Russie, la Chine, la Turquie.
La normalisation des relations avec Israël a aussi permis au royaume d’acquérir une avance technologique : tout de suite après la reprise des relations avec l’État hébreu, la signature de deux accords stratégiques a scellé une alliance militaire. Depuis, les armuriers en provenance d’Israël sont venus renforcer l’arsenal des FAR avec des livraisons de matériel de pointe.
Pour passer du statut d’importateur à celui de fabricant, le royaume ambitionne aussi de développer sur son sol une industrie de l’armement pour sa consommation interne et à vocation exportatrice, avec un écosystème calqué sur le modèle des industries automobile et aéronautique.
Pour préparer l’écosystème qui devra concrétiser ce projet industriel, un mémorandum d’entente (MoU) dans le secteur de l’industrie aéronautique a été signé le 23 mars dernier à Rabat, entre le ministère de l’Industrie et du Commerce et Aerospace Industries (AI). L’enveloppe XXL pour soutenir cette ambition est loin de rétrécir.