Sahara : ce qu’il faut savoir sur le nouveau chapitre des relations Maroc-Espagne suite au soutien espagnol au plan d’autonomie

Dans un message adressé au roi Mohammed VI le 18 mars, le chef du gouvernement espagnol a exprimé pour la première fois le soutien de Madrid au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 pour le Sahara. Un message qui a mis fin à la crise diplomatique entre les deux royaumes, mais qui en a déclenché une autre avec le régime algérien. Les détails.

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Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez fait une déclaration au palais de la Moncloa à Madrid, le 18 mai 2021. Crédit: Manu Fernandez / POOL / AFP

Ce qui a été annoncé : Vendredi 18 mars, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez a adressé un message au roi Mohammed VI annonçant, pour la première fois, le soutien de Madrid au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara en 2007. “L’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend”, indique le message.

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“L’Espagne agira avec la transparence absolue qui correspond à un grand ami et allié, (…) je vous assure que l’Espagne tiendra toujours ses engagements et sa parole”, a promis Sanchez au roi.

Pourquoi cela compte ? La nouvelle position de Madrid est un changement important selon plusieurs experts espagnols, alors que l’Espagne avait prôné jusqu’ici la neutralité entre Rabat et le Polisario. En tant qu’ancien colonisateur de cette partie du Maroc, le royaume ibérique avait toujours été l’un des principaux soutiens européens du front séparatiste.

La situation avant : La brouille diplomatique majeure entre Madrid et Rabat avait été provoquée en avril 2021 par l’accueil en Espagne, sous une fausse identité, du chef du Polisario, Brahim Ghali. De son côté, l’Espagne a accusé le Maroc d’être à l’origine du plus grand franchissement de l’enclave de Sebta, en mai dernier. Il s’agit de l’arrivée record de plus de 8000 migrants en une journée dans l’enclave espagnole, profitant d’un relâchement de la surveillance des frontières côté marocain. Avant les annonces de vendredi, les tensions s’étaient atténuées mais n’avaient pas pris fin. En mai 2021, le Maroc avait rappelé son ambassadrice à Madrid, Karima Benyaich.

L’impact du message : Le message de Sánchez a mis fin à une crise diplomatique sans précédent entre les deux royaumes voisins. Les relations maroco-espagnoles ont repris leur cours normal, illustrée par le retour à Madrid de l’ambassadrice marocaine, Karima Benyaich, comme le rapporte l’agence de presse espagnole Europapress. En revanche, l’initiative espagnole a suscité la colère d’Alger et du Polisario.

Ce qui a été dit à ce sujet :

  • Au Maroc : Dans un communiqué publié le 18 mars, le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger s’est félicité de ce changement de la position espagnole. “Le Royaume du Maroc apprécie hautement les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara marocain”, indique le communiqué.
    Le ministère de Nasser Bourita a également annoncé la visite à Rabat à la fin de ce mois de mars et avant le mois de Ramadan, du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares. Une visite au Maroc du Premier ministre espagnol sera également programmée ultérieurement, a conclu le ministère.
  • En Algérie : Alger s’est opposée au contenu du message adressé au roi, dénonçant un “brusque revirement” de la position espagnole sur le dossier du Sahara. Ainsi, la diplomatie algérienne a annoncé le rappel pour consultations de son ambassadeur accrédité à Madrid. “Très étonnées par les déclarations des plus hautes autorités espagnoles relatives au dossier du Sahara, les autorités algériennes, surprises par ce brusque revirement de position de l’ex-puissance administrant le Sahara, ont décidé le rappel de leur ambassadeur à Madrid pour consultations avec effet immédiat”, a-t-on annoncé.
    Dans les camps de Tindouf, le chef des milices du Polisario Brahim Ghali a, lui aussi, vite saisi l’occasion pour protester contre l’annonce de Madrid, exprimant “beaucoup d’étonnement” face à la nouvelle position espagnole non favorable à celle des séparatistes.
  • En Espagne : En réponse aux accusations de la diplomatie algérienne, le gouvernement espagnol a assuré avoir “prévenu en amont l’Algérie de son soutien au plan d’autonomie”, ont indiqué samedi soir des sources gouvernementales à l’AFP.
    En revanche, Sanchez ne semble pas jouir de l’unanimité de ses partenaires au sein du gouvernement, notamment celle de Podemos (parti d’extrême gauche, membre de la coalition de la majorité et favorable à la position séparatiste du Polisario), dont certains membres se sont opposés à l’initiative du chef de l’Exécutif. Sur Twitter, la ministre du Travail, représentant Podemos, Yolanda Diaz, a déclaré que “toute solution au conflit devait passer par le respect et la volonté démocratique” des Sahraouis.

Contexte de la crise Algérie-Espagne : Alors qu’elle vient de mettre fin à sa crise avec le Maroc, l’Espagne fait face à une colère algérienne suite à cette annonce favorable à Rabat. Mais Madrid, qui importe environ 40 % du gaz naturel algérien, semble vouloir éviter une crise avec Alger. “Pour l’Espagne, l’Algérie est un partenaire stratégique, prioritaire et fiable avec lequel nous souhaitons maintenir une relation privilégiée”, a déclaré la diplomatie espagnole à l’AFP.

En réalité, le soutien de l’Espagne au plan d’autonomie ne serait pas la seule raison de la colère algérienne. En effet, l’inversement par le royaume ibérique du flux du gazoduc Maghreb-Europe (GME) aurait aussi suscité l’ire d’Alger qui a désactivé en octobre 2021 le gazoduc traversant le Maroc, suite à la rupture de ses relations diplomatiques avec Rabat.

Pour en savoir plus : La fin de la crise maroco-espagnole ne semble pas très étonnante. Madrid n’a cessé d’exprimer sa volonté de normaliser les relations avec le Maroc, et Rabat a voulu inaugurer une nouvelle étape dans les relations bilatérales. Quelques mois plus tard, et comme signe de bonne foi, Madrid donnait le feu vert à l’inversement du flux du GME.

(avec agences)