Ce qui a été annoncé : En détention depuis le 15 août, la « blogueuse » qui se présentait comme « cheffe d’entreprise », « croyant en la laïcité », a été condamnée par le tribunal de première instance de Oued Zem à deux ans de prison ferme ainsi qu’à une amende de 50.000 dirhams.
Le contexte : La jeune femme a été poursuivie pour avoir partagé des publications satiriques en langue arabe sur sa page Facebook dans lesquelles elle « se moquait » des versets du Coran et des hadiths du prophète. Ces publications, probablement supprimées depuis son arrestation, ne sont plus disponibles sur son compte.
Durant son procès, la blogueuse aurait présenté des excuses à « quiconque s’est senti offensé » par ses publications, ajoutant qu’elle n’avait jamais l’« intention » de porter atteinte à l’islam.
L’impact de l’annonce : Selon les propos du frère de la blogueuse, Bouazza Karim, recueillis par l’AFP, Fatima Karim compte faire appel afin de réduire la peine à laquelle elle a été condamnée, ce en invoquant la liberté d’expression. Ainsi, la blogueuse et son affaire relancent le débat sur cette liberté au Maroc, interrogeant également sur les limites de cette dernière, plus d’un an après une affaire similaire, concernant l’étudiante maroco-italienne condamnée en juin 2021 pour les mêmes raisons.
Ce que la loi prévoit : L’article 267-5 du code pénal marocain dispose : « Est puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement quiconque porte atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou incite à porter atteinte à l’intégrité territoriale du Royaume.
La peine encourue est portée à deux ans à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 50.000 à 500.000 dirhams ou à l’une de ces peines seulement lorsque les actes visés au premier alinéa ci-dessus sont commis soit par discours, cris ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, ou par affiches exposées aux regards du public soit par la vente, la distribution ou tout moyen remplissant la condition de publicité y compris par voie électronique, sur papier et par voie audiovisuelle. »
La blogueuse aura ainsi écopé de la peine maximale en termes d’emprisonnement, et du minimum en ce qui concerne la fourchette d’amendes prévue par la loi.
Ce qui a été dit à ce sujet : « Ce verdict est très sévère. Il nous renvoie des années en arrière ». Les propos du frère de la blogueuse témoignent de l’indignation de ce dernier vis-à-vis de la peine dont a écopée Fatima Karim. Sur sa page Facebook, le frère de Fatima affirme également que cette dernière « s’accroche à son roi et à son pays jusqu’à la folie, respecte la constitution du royaume et fait confiance aux institutions et agences de l’État, et s’est déjà présentée aux élections régionales de 2015 », avant d’ajouter qu’elle « a choisi une autre croyance religieuse après avoir été la plus ardente défenseure de la religion islamique ».
D’après les propos rapportés par nos confrères de Médias24, le président de l’Association marocaine pour les droits de l’Homme (AMDH), Aziz Rhali, a affirmé que l’association a été « surprise » par cette décision jugée « trop sévère ». Ainsi, Aziz Rhali a annoncé que l’AMDH « suivra de près le procès en appel » de la blogueuse. Le président de l’association a également indiqué, selon les propos rapportés par la même source, qu’il est non seulement « nécessaire de promulguer un texte qui détermine les droits et obligations de tout un chacun sur les réseaux sociaux, mais aussi de déterminer avec précision ce qui constitue une ‘atteinte’ à la religion ».
Pour en savoir plus : Il y a un peu plus d’un an, soit le 28 juin 2021, une Maroco-Italienne, rentrée au pays pour rendre visite à sa famille, a été condamnée par le tribunal de première instance de Marrakech à trois ans et demi de prison ferme ainsi qu’à 50.000 dirhams d’amende, pour le même motif que Fatima Karim. Une affaire qui a relancé dès lors le débat sur la liberté d’expression au Maroc, ainsi que sur l’importance d’une définition claire du sens de l’atteinte à la religion que sanctionne la juridiction du pays.