Grèves et menaces de boycott, la rentrée universitaire s'annonce chaude

Plusieurs médias nationaux ont rapporté le boycott, par des enseignants, de la rentrée universitaire 2022, ce qui a été nié en bloc, mardi 20 septembre, par le ministre de tutelle, Abdellatif Miroaui. Les professeurs font-ils grève ou pas ?

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Le syndicat marocain de l'enseignement supérieur a appelé à un "boycott" de la rentrée universitaire, en menant une grève entre les 19 et 25 septembre 2022. Crédit: DR

Ce qui a été annoncé : Le syndicat marocain de l’enseignement supérieur (SMASup, proche du PJD, ndlr) a appelé à une grève d’une semaine, entre le 19 et le 25 septembre, la qualifiant de “boycott de la rentrée universitaire 2022-2023”. Dans une conférence de presse organisée ce mardi 20 septembre, justement à l’occasion de la rentrée universitaire, le ministre de l’Enseignement supérieur Abdellatif Miraoui a cependant affirmé que les universités n’ont fait état d’aucun boycott.

Y a-t-il eu un boycott ? Selon le syndicat, 85% de ses adhérents ont répondu positivement à l’appel à la grève, un chiffre mis en doute par le ministre de tutelle : “aucune université marocaine n’a signalé un problème à ce niveau”, a-t-il déclaré à TelQuel. Peut-être parce que les enseignants du SMASup constituent une minorité parmi l’ensemble du corps professoral des universités publiques du Maroc.

Le corps professoral est en effet partagé entre deux syndicats indépendants (affiliés à aucune centrale syndicale), dont le plus représentatif est le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESup) qui, lui, n’a pas soutenu l’appel de son homologue du SMASup au boycott. Par conséquent, la majorité des établissements universitaires ont repris dans des conditions normales, tandis que certains autres, comptant plus d’adhérents du SMASup, ont enregistré beaucoup plus d’absences parmi leurs enseignants.

Que revendiquent les professeurs ? Les deux organismes ont les mêmes revendications, mais ne leur accordent pas la même importance. Ainsi, pour le SMASup, l’augmentation des salaires “gelés depuis près de 25 ans” figure en tête de liste. Mais le SNESup place quant à lui la révision du statut fondamental de l’enseignement supérieur au premier rang, la dernière modification de ce statut remontant à une vingtaine d’années. En revanche, les deux syndicats sont unanimes quant à la nécessité d’améliorer les conditions de travail au sein de l’université publique marocaine.

Ce qui a été dit à ce sujet : dénonçant la “procrastination du ministère”, Noureddine El Mtili, un responsable régional du SMASup à Tanger-Tétouan-Al-Hoceima, se félicite du taux d’adhésion à la grève, et critique les “faiblesses de l’université publique”. “Le sous-effectif est flagrant, dans les facultés à accès ouvert, en particulier. Certains niveaux comptent plus de 3000 étudiants inscrits chaque année. Cette situation impacte gravement la qualité de l’enseignement et l’état psychologique du professeur, censé aussi se pencher sur la recherche académique”, déplore à TelQuel cet enseignant à l’université Abdelmalek Essaâdi.

Les syndicalistes du SNESup, s’ils partagent ces revendications, préfèrent la concertation. Ainsi, le professeur Miloud Belkadi respecte le choix de recourir au boycott mais privilégie “la souplesse”. “Au SNESup, nous cherchons à trouver des solutions adéquates à la situation socio-économique du pays. Ce n’est dans l’intérêt de personne de commencer l’année par la grève d’un corps qui compte plus de 14.000 professeurs”, nous affirme-t-il.

Pourtant, ce responsable n’exclut pas la possibilité que le SNESup suive les pas du SMASup : “si nous n’avons aucun retour du gouvernement concernant notre dossier revendicatif, le boycott s’imposera donc comme dernier moyen de pression”.

Ce que répond le ministre : Concernant les revendications liées au manque de ressources humaines, la réponse du ministère n’a pas tardé. Mardi, le ministre Abdellatif Miraoui a ainsi annoncé lors de sa conférence de presse la création de 2350 postes budgétaires, dont 760 professeurs spécialisés en sciences de l’éducation et en médecine et 1.600 encadrants pédagogiques et administratifs.

En ce qui concerne la révision du statut fondamental de l’enseignement supérieur et l’augmentation des salaires, le ministre se veut rassurant. “La révision du statut fondamental est prioritaire pour le ministère et ça fait partie de notre projet de réforme du système” nous confie-t-il. Et d’ajouter : “Le plus important c’est d’assurer l’attractivité du métier”.

Pour en savoir plus : Pointé du doigt en raison des multiples faiblesses de l’université publique, le ministère de l’enseignement supérieur se trouve dans l’obligation de résoudre des problèmes liés à l’intégration des étudiants, notamment ceux de retour d’Ukraine, ainsi que de mettre fin à la situation désordonnée que vit le secteur, en lançant la réforme tant attendue. Pour ce faire, Abdellatif Miraoui propose tout un nouveau modèle de l’université marocaine.