Le Boualem, le mammouth laineux, les concours de baffes et la pluie

Par Réda Allali

Zakaria Boualem vous doit des excuses. Depuis plusieurs semaines, le bougre s’est un peu laissé aller. Sidéré par l’actualité mondiale, ravagé par l’économie nationale, il s’est laissé plonger dans une humeur lugubre, et il a multiplié, dans ces mêmes colonnes, les paragraphes tragiques sans le moindre scrupule. Ce faisant, il a négligé sa mission de base. Il a réagi comme tous les chroniqueurs sérieux, ceux qui posent avec la main sur le menton et le regard profond, et il a annoncé la fin du monde comme si on comptait sur lui pour ce genre de propos. Il lui faut sans plus attendre redresser la barre, revenir à sa mission, et merci.

Cette semaine, le Boualem se réjouit que des chercheurs tentent de ramener le mammouth laineux à la vie, s’étonne des concours de baffes qui font un carton sur les réseaux sociaux, et accueille la pluie avec reconnaissance et presque aucun mauvais esprit

Pour commencer, il faut prendre des nouvelles du formidable projet qui consiste à ramener à la vie le mammouth laineux, une espèce disparue depuis 4000 ans. La seule idée qu’il puisse exister, sur la planète, des humains pleins de science et d’énergie qui se réveillent chaque matin en se disant qu’ils vont consacrer leur journée à ce noble objectif remplit le Boualem de félicité. Eh bien, donc, ces braves gens ont réussi à croiser ce pachyderme avec un rongeur, et figurez-vous qu’ils disposent désormais de toute une cohorte de souris à poils longs et laineux, très mignonnes au demeurant.

C’est un premier test pour aller vers le retour du fameux mammouth, même si Zakaria Boualem ne voit pas trop le chemin entre les deux. Si vous trouvez cela sans intérêt, voire complètement stupide, dites-vous qu’il existe des gens tout aussi intelligents qui, chaque jour, s’amusent à perfectionner des bombes à fragmentation en se demandant comment les rendre encore plus mortelles. Il y a des passions plus nobles que d’autres, voilà la conclusion.

“Des scientifiques tentent de ramener à la vie le mammouth laineux, espèce disparue depuis 4000 ans. Si vous trouvez cela complètement stupide, dites-vous qu’il existe des gens qui, chaque jour, s’amusent à perfectionner des bombes à fragmentation”…

Réda Allali

Par contre, il est très difficile de déterminer dans quelle catégorie de passionnés il faudrait ranger les initiateurs de cet étonnant concours de baffes dont on parle tant sur les réseaux sociaux. Vous avez sans doute vu les images : de braves colosses se balancent de montreuses gifles, à tour de rôle, jusqu’à ce que quelqu’un craque. Le héros à l’origine de cette initiative explique à qui veut l’entendre qu’il ne voit pas ce qu’il y a de choquant à organiser des commotions cérébrales, puisque les gens sont nombreux à cliquer. Voilà ce qui arrive quand on sanctifie le clic, qu’on sacralise les vues, qu’on mélange tout sous l’infâme vocable de “contenu” et qu’on laisse le capitalisme s’occuper de tout.

Le marché, les amis, voilà l’entité abstraite qui nous domine tous, qui excite notre voracité et nous mène à la désolation. Imaginez un peu que le Boualem a découvert que l’Uruguay, pays de trois millions et demi d’habitants, importe jusqu’à 27 millions de paires de chaussures. Ce sont les chiffres fournis par l’ancien président du pays de Suarez, un homme sage, qui s’est, par ailleurs, débarrassé de son téléphone portable pour se donner le temps de réfléchir.

Mais voilà que le Boualem se remet à geindre, alors qu’il s’était engagé à rester léger. Il va donc terminer sur une très bonne nouvelle, l’arrivée du plus grand invité qu’ait connu notre paisible contrée cette année. Un élément dont la seule évocation remonte le moral et baisse les prix : la pluie. Qu’importe s’il faut supporter les embouteillages, pleurer l’état de nos routes qui sont, comme le sucre ou le doliprane, solubles dans l’eau, ou même accepter les écoles fermées. On peut même aller plus loin et se retenir de déplorer que, chez nous, tout dépend encore de la pluie, comme sous Moulay Ismaïl. Oui, on peut passer sur tout cela, après tout, nous n’avons pas les moyens de faire les difficiles, et il est temps de clôturer cette page confuse, écrite en état d’hypoglycémie sévère, et merci.

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