Cela fera bientôt huit ans que le Maroc est revenu de manière triomphale au sein de l’Union africaine. Un “retour chez soi”, a estimé Mohammed VI dans le discours qu’il a prononcé à cette occasion. Des actions et des projets stratégiques ont suivi : l’usine d’engrais maroco-éthiopienne, le pipeline Maroc-Nigéria ou encore le rapport sur la migration africaine ont confirmé l’engagement du Maroc auprès de son continent. Pourtant, malgré des réalisations majeures, le royaume reste confronté à un défi de taille : renforcer sa présence dans les rouages administratifs de l’Union africaine pour transformer ces succès en influence durable.
Le royaume reste confronté à un défi de taille : renforcer sa présence dans les rouages administratifs de l’Union africaine
Sur le plan légal, intra-africain, le Maroc a réalisé des percées significatives. A l’initiative de Nasser Bourita, les textes de l’Union africaine ont été nettoyés de toute mention défavorable au Maroc sur le dossier du Sahara. Le ministre des Affaires étrangères est également responsable du travail de fond effectué par le Maroc suite à son élection au Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, un organe pivot, qui a le pouvoir d’exclure des membres de l’organisation. Longtemps sous contrôle algérien, le CPS a été dessaisi du dossier du Sahara. Le sujet ne peut désormais être abordé que par les chefs d’Etat et de gouvernement lors des sommets, et de manière franchement limitée.
Ces réalisations peinent à cacher une faiblesse structurelle : le Maroc n’arrive pas à s’imposer dans le jeu de la “petite politique”, celle qui se joue dans les couloirs d’Addis-Abeba et qui finit par influencer directement l’administration panafricaine. De l’aveu même de plusieurs acteurs de notre diplomatie, le royaume est encore sous-représenté dans les instances de l’UA. “Le Maroc est encore à des années-lumière de l’influence qu’il doit exercer au sein de cette administration. La mécanique des grandes impulsions se bâtit à Addis-Abeba”, nous confie, le ton inquiet, un senior de la diplomatie marocaine spécialisé dans les dossiers continentaux.
Certes, des avancées ont été réalisées, à l’image de la nomination de Fathallah Sijilmassi au poste de directeur général de la Commission de l’UA, l’administration de l’instance panafricaine. La candidature de Latifa Akharbach au poste de numéro 2 de cette Commission va aussi dans dans ce sens.
Mais le Maroc a un retard important à rattraper, conséquence de la (malheureuse) politique de la chaise vide que notre pays a longuement pratiquée. À Addis-Abeba, les Marocains sont encore considérés comme “une nouveauté”. Ce n’est pas le cas de nos rivaux continentaux, comme l’Algérie ou l’Afrique du Sud, qui ont su tirer parti du vide laissé par le royaume pour faire avancer leur agenda, hostile au Maroc, notamment sur la question du Sahara.
Une “petite politique” qui a également été exploitée par l’Algérie et le Polisario dans d’autres instances internationales. C’est un secret de polichinelle : les “petites mains” exerçant des fonctions de secrétariat aux Nations Unies ont longtemps été des sources précieuses pour les diplomates algériens, leur fournissant à l’avance des documents clés liés à la gestion du dossier du Sahara.
Notre pays doit adopter une stratégie volontariste et structurée, placer des cadres marocains dans les institutions africaines, et soutenir leur action. L’Union africaine est en train de se réformer afin de mieux équilibrer les rapports de force entre les puissances continentales, le Maroc ne peut pas se permettre de rester spectateur. Ce chantier nécessite à la fois d’élaborer une vision politique claire et de mobiliser des ressources humaines capables de porter l’ambition marocaine sur le continent. Un enjeu stratégique pour un pays en quête de soutiens dans un monde multipolarisé.