Y'a-t-il quelqu'un pour sauver Gaza (et le Boualem) ?

Par Réda Allali

Zakaria Boualem ne va pas très bien, il faut le dire. Il passe ses journées devant les réseaux sociaux, à scruter les informations en provenance de Gaza, et il en est malade. Le reste du temps, il allume sa télévision, il se promène sur les chaînes de l’empire, et il sombre aussitôt dans une sourde tristesse mâtinée d’un sévère sentiment de révolte.

Jamais, depuis que le Boualem est responsable de cette page, il n’a ressenti avec autant de violence l’injustice qu’implique son statut 
de barbare habitant à la marge de l’empire, de gueux international

Réda Allali

Il voudrait bien prendre du recul, mais il en est incapable, le bougre. Il encaisse ainsi un nombre absurde de mauvaises nouvelles, et il les relaie, au risque de mettre en danger sa santé mentale. Jamais, depuis qu’il s’occupe de cette page, il n’a ressenti avec autant de violence l’injustice qu’implique son statut de barbare, habitant à la marge de l’empire, de gueux international et de sous-citoyen du monde.

En réalité, il y a un dicton marocain qui résume parfaitement la situation : “Il m’a frappé et il a pleuré, et pour se plaindre de moi il m’a précédé”. L’armée la plus morale du monde, au service de la seule démocratie de la région, a fait de ce noble proverbe une philosophie, c’est un exercice fascinant. Quand ils n’accusent pas les demeurés islamistes de se bombarder tout seuls, ce qui constitue, à les croire, une sorte de passe-temps chez eux, ils nous expliquent qu’ils sont les enfants de la lumière, en lutte contre ceux des ténèbres, et qu’ils sont sur le point de réaliser une prophétie épouvantable qui voue leurs voisins à la servitude. Un très beau programme.

Si Zakaria Boualem avait tenu pareils propos, il aurait connu des moments difficiles, allez savoir pourquoi. Sans doute une des limites inattendues du concept de symétrie ou de réciprocité. Il faut d’ailleurs sans plus attendre cesser de faire semblant de croire que les vies se valent, ou que les institutions internationales défendent les humains, quels qu’ils soient.

Il suffit d’écouter ce que se permettent de répéter les héros de l’empire et leurs infâmes armées médiatiques pour être saisi de frissons. Un peu partout, les dirigeants du premier monde (ensemble des pays démocratiques et dont les citoyens ont un niveau de vie élevé, par opposition au Tiers-monde, ndlr) applaudissent à ces sornettes, ils répètent leur mantra affreux, une déclinaison du droit à se défendre face à la barbarie, parce qu’il faut bien comprendre que c’est la civilisation occidentale qui est menacée, il faut faire reculer les gueux islamisés.

“On pourrait penser que l’Holocauste a été organisé par des Palestiniens ou des couscoussovores… ”

Réda Allali

Quand la pression monte dans les rues, ou quand certains dirigeants se dressent pour rappeler que, peut-être, si on regarde un peu les choses avec du recul, il se pourrait bien, mais ce n’est qu’une hypothèse, et elle est formulée pour le plaisir de la rhétorique, soyez tranquilles, rien de plus, que cette façon de bombarder les gens est une mauvaise idée, alors on brandit le totem d’impunité bien connu  : l’accusation d’antisémitisme. Si on se laisse un peu aller, on pourrait penser que l’Holocauste a été organisé par des Palestiniens ou des couscoussovores… On pourrait aussi imaginer que ces gens dont il est question, cette catégorie obscure à laquelle appartient le Boualem, n’est tout simplement pas douée d’une âme. Elle erre à la frontière du règne animal, incapable d’humanité, tout juste vouée à pourrir la vie aux nobles de l’empire, par pure malveillance.

Voilà où nous en sommes, les amis. Les rues se remplissent de manifestations et de protestations, mais rien n’y fait. On parle aujourd’hui ouvertement de guerre de civilisations, en toute décontraction, quand on n’évoque pas carrément une guerre mondiale. A force de répéter ces horreurs, elles pourraient bien se réaliser. Oui, voilà où nous en sommes, et le Boualem attend l’esprit éclairé qui pourrait ramener à la raison les hystériques déchaînés, il faut absolument qu’il se pointe à vive allure, et si possible avec du renfort, car il y a urgence. C’est tout pour la semaine, et merci.

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