Alger décide de “revoir” ses relations avec le Maroc, selon un communiqué de la présidence algérienne

Suite à une réunion extraordinaire du Haut conseil de sécurité d’Algérie, un communiqué de la présidence pointe du doigt le Maroc dans les récents incendies qui ont sévi au nord du pays, et accuse le royaume “d’actes hostiles” qui nécessiteraient “l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières Ouest”.

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Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, en novembre 2019. Crédit: Ryad Kramdi / AFP

L’Algérie a décidé, mercredi 18 août à l’issue d’une réunion extraordinaire de son Haut conseil de sécurité, de “revoir” ses relations avec le Maroc, accusé d’être impliqué dans les incendies meurtriers qui ont ravagé le nord du pays. Une nouvelle escalade dans la grave crise diplomatique qui oppose les deux pays voisins du Maghreb.

“Les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l’Algérie ont nécessité la révision des relations entre les deux pays et l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières Ouest”, indique le communiqué de la présidence algérienne, sans autre précision.

La frontière entre l’Algérie et le Maroc est officiellement fermée depuis le 16 août 1994. Du côté du Maroc, aucune réaction officielle n’a encore été exprimée.

Accusations

Cette décision a été prise lors d’une réunion extraordinaire du Haut conseil de sécurité algérien, présidée par le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune et consacrée à l’évaluation de la situation après les gigantesques feux de forêt qui ont fait au moins 90 morts dans le nord du pays. Selon le président Tebboune, la plupart de ces incendies étaient d’origine “criminelle”, sans que ne soit présentée jusqu’à présent la moindre preuve.

Les incendies ont ravagé les forêts de Kabylie.Crédit: AFP

L’enquête a permis de “découvrir qu’un réseau criminel, classé comme organisation terroriste”, est derrière les incendies, “de l’aveu de ses membres arrêtés”, selon la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Au-delà des pertes humaines et matérielles, et des carences des pouvoirs publics mises en lumière lors de ces incendies, les Algériens ont été profondément choqués par le lynchage et l’immolation d’un homme accusé à tort de pyromanie en Kabylie, région berbérophone du nord-est du pays ravagée par les feux.

Soixante et un suspects ont été arrêtés depuis le meurtre de Djamel Ben Ismaïl le 11 août, âgé de seulement 38 ans. Les dirigeants algériens ont accusé le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie), une organisation indépendantiste, d’être responsable des incendies et de la mort ignominieuse du jeune homme.

Certains des suspects arrêtés ont confessé appartenir au MAK, selon des aveux filmés et diffusés par les télévisions algériennes. “Le Haut conseil de sécurité a décidé (…) d’intensifier les efforts des services de sécurité pour l’arrestation du reste des individus impliqués dans les deux crimes, ainsi que tous les membres des deux mouvements terroristes qui menacent la sécurité publique et l’unité nationale, jusqu’à leur éradication totale, notamment le MAK qui reçoit le soutien et l’aide de parties étrangères, en tête desquelles le Maroc et l’entité sioniste (Israël, ndlr), selon la présidence algérienne. Basé à Paris, le MAK, interrogé par l’AFP, a rejeté ces allégations.

Alger a également mis en cause le mouvement islamo-conservateur Rachad établi à Londres. Ces deux mouvements, bêtes noires du pouvoir algérien, sont illégaux en Algérie où ils ont été classés comme “organisations terroristes” le 18 mai dernier. “Assisterons-nous à une chasse à l’homme ? La Ligne algérienne des droits de l’Homme (LADDH) appelle à la retenue, la clairvoyance et la sagesse”, s’est inquiété le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi, dans un communiqué reçu par l’AFP.

Dégradations

Cet épisode consacre une nouvelle dégradation des relations conflictuelles entre Alger et Rabat. Il y a un mois, jour pour jour, Alger rappelait son ambassadeur à Rabat pour “consultations avec effet immédiat” à la suite de tensions diplomatiques entre les deux pays maghrébins occasionnées par le contentieux du Sahara.

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Ce rappel a fait suite à “la dérive de la représentation diplomatique marocaine à New York qui a distribué une note officielle aux pays membres du mouvement des non-alignés dans laquelle le Maroc soutient publiquement et explicitement un prétendu droit à l’autodétermination du peuple kabyle”, selon le ministère algérien des Affaires étrangères.

Durant une réunion du mouvement des non alignés les 13 et 14 juillet à New York, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, avait fait passer une note dans laquelle il estimait que “le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination”. Une ligne rouge pour Alger qui s’oppose à toute velléité indépendantiste de la Kabylie, région berbérophone du nord-est de l’Algérie.

Le diplomate marocain avait alors exprimé son soutien au séparatisme kabyle en réaction à l’appui apporté par Alger aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario qui combattent le Maroc.

Traditionnellement difficiles, les relations entre l’Algérie et son voisin marocain ont connu une récente dégradation en raison du dossier du Sahara. En décembre dernier, la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, en contrepartie d’une reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur ce territoire, a encore avivé les tensions avec l’Algérie qui a dénoncé des “manœuvres étrangères” visant à la déstabiliser.

(avec AFP)