Le boom des Sociétés de développement local (SDL)

De plus en plus de villes délèguent des services publics à des entreprises. Les SDL sont sur les lèvres de tous les observateurs de la politique locale. Mais de quoi s’agit-il ?

Par et

Travaux du Grand théâtre de Casablanca mené depuis 2014 par Casa Aménagement.

Le 29 janvier, la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima s’est dotée d’une société d’aménagement et de développement. Voici une SDL (Société de développement local) de plus sur la liste nationale de ces entreprises hybrides. Casablanca, Rabat, Marrakech et d’autres villes en ont déjà fait l’expérience.

Si la capitale comptait déjà Rabat Parking, détenue par la commune et la CDG, la décision le 17 décembre de créer Rabat Animation, une SDL dotée de 3 millions de dirhams chargée de la vie sportive et culturelle, a fortement été critiquée par la Fédération de la gauche démocratique. Marrakech possède déjà sa SDL : Avilmar, également chargée du stationnement. Pour sa part, Casablanca devient maintenant experte en la matière. La ville s’est dotée de six SDL : Casa Events et Animation (exploitation de la cathédrale du Sacré cœur, entre autres), Casa Patrimoine (préservation du patrimoine et obtention du label Unesco), Casa Prestation (qui mène les grands chantiers des abattoirs, par exemple) et avant cela Casa Transport, Casa Aménagement (les travaux de la place aux pigeons) et Casa Développement (le stationnement, entre autres).

Ces sociétés portent le nom de SDL depuis la charte communale de 2002 mais elles existaient déjà auparavant presque avec la même forme sous le nom de SEM (sociétés d’économie mixte). Tétouan, Settat, Temara… le Maroc en comptait déjà une quinzaine en 2009.

Guide de la coopération et du partenariat des collectivités locales.Guide de la coopération et du partenariat des collectivités locales.

Etre plus efficace

La loi impose que les collectivités locales possèdent nécessairement au moins 34 % du capital de la SDL, qui doit porter le statut de SA (Société anonyme). 50 % du capital doit être détenu par des personnes morales de droit public. Il est interdit qu’une SDL détienne des participations dans le capital d’une autre entreprise. Sa création est actée en conseil, qui vote son statut et une convention de mandat pour la réalisation de ses projets.

Les partisans des SDL avancent les arguments classiques brandis pour défendre les partenariats publics-privés en général : l’investissement partagé et un processus décisionnel moins lourd.

Constat d’échec ?

Leurs détracteurs, à l’inverse, regrettent que des décisions importantes pour la population ne soient pas prises en conseil (de la ville ou de la région), alors que le citoyen a élu des politiques pour le représenter et défendre ses intérêts. Pour eux, il s’agit d’un échec de la démocratie locale. « En bref, c’est dire que nous sommes incapables de remplir la mission pour laquelle nous avons été élus », s’indignait le conseiller Abdelghani Marahani, élu sous les couleurs du Parti de la renaissance et de la vertu (PRV), il y a quelques mois.

Face à ce grignotage des fonctions des pouvoirs publics, un responsable du conseil de la ville nous confessait le manque de compétence chez les fonctionnaires : « C’est pour éviter les couacs du passé que nous avons confié ces dossiers à Casa Prestations. Là, le mode de gestion est fondé sur le rendement, l’efficacité et un contrôle direct ». En avril 2014, Ahmed Brija, vice-président du conseil de la ville de Casablanca, établit un triste constat lors de l’ouverture d’une session ordinaire au siège de la wilaya. « C’est simple, on crée des sociétés de développement local car nous avons failli dans notre rôle en tant qu’élus. Nous n’avons pas fait correctement notre travail, comme nous l’a rappelé le roi, et nous sommes responsables de cet échec », avait-t-il déploré.

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