Ta vie en l'air. Taxi-frousse

Par Fatym Layachi

Ta voiture est au garage. Pour la énième fois, tu as défoncé ton pare-chocs en ne sachant pas te garer. Du coup, hier tu en as profité pour flemmarder toute la journée chez toi, mais aujourd’hui tu dois sortir. Une de tes boutiques préférées organise une vente privée que tu ne peux pas rater. Bref, tu es obligée de te déplacer et tu n’as pas de voiture. Tu décides de t’aventurer à prendre un taxi. La première mission consiste à trouver ledit taxi. Et c’est pas gagné, entre ceux qui sont déjà archipleins et ceux dont le chauffeur te répond avec dédain que tu ne vas pas dans SA direction. T’as un peu envie de lui dire « mec, je crois que t’as pas bien saisi le concept. Je te paye pour que tu ailles dans MA direction. Tu ne me rends pas service. » Mais tu ne dis rien et tu continues à errer en faisant des signes de la main. Tu finis par trouver un chauffeur qui accepte de te prendre. Il y a déjà deux personnes dans la voiture mais, après tout, le covoiturage, c’est écolo. D’ailleurs, même les pays développés s’y mettent. Tu gardes un œil rivé sur l’écran de ton iPhone et ton fil d’actualité Facebook, ton cordon ombilical, histoire de ne pas te sentir trop éloignée de ton univers.

Mais assez vite, tu es fascinée par les discussions de tes partenaires de voyage. Un vrai cabinet roulant de psy ou de voyante. Avec, en prime de temps en temps, l’avis éclairé du chauffeur. Alors toi aussi tu t’y mets. Et te voilà, à ton tour, lancée dans de grandes discussions. Tout y passe : politique, chômage, visas, séries mexicaines… Et ça te plaît, cette espèce de salon ambulant. Tu y passerais bien une petite heure. Mais le chauffeur te tire de ta rêverie en t’annonçant qu’à cause de la circulation il ne va pas pouvoir te mener jusqu’à ta destination et que tu dois descendre là. Cette décision ne t’enchante pas mais elle est sans appel. Alors tu t’exécutes et tu descends, un peu tendue tout de même à l’idée d’avoir à marcher sur ce grand boulevard. Tu essaies de traverser parce que, bien sûr, tu t’es fait déposer du mauvais côté. Mais quand le feu passe enfin rouge, tu n’arrives à traverser que la moitié du boulevard et tu te retrouves au milieu avec plein d’autres malheureux qui ont l’air d’espérer vainement qu’un conducteur ait l’extrême amabilité de s’arrêter. Tu découvres la vie de piéton et ça, ça ne te plaît pas du tout. Un flic est planté là. Non, il ne s’occupe pas de la circulation, il parle au téléphone. Et toi, tu slalomes, avec l’impression d’être dans une épreuve de Jeux Olympiques bordéliques. Tu finis par te retrouver enfin du bon côté du boulevard mais pas encore au bout de tes peines : tu dois encore prendre cette petite rue au bout de laquelle t’attendent des robes en soldes.

Mais là, impossible de marcher sur les trottoirs. Ils sont ou réquisitionnés par les terrasses de café et autres vendeurs ambulants de tout et de n’importe quoi ou totalement défoncés et extrêmement casse-gueule. Tu marches donc au milieu de la chaussée, comme tout le monde, et te fais injurier et klaxonner. Tu as été bien inspirée de ne pas te percher sur de hauts talons. Tes petites ballerines sont parfaites mais survivront-elles à cette journée sans voiture ? Rien n’est moins sûr. La prochaine fois que tu joueras à la piétonne, tu mettras une bonne paire de baskets. Tu finis par enfin arriver dans la boutique et avant même de regarder les fringues, tu repères une copine pour lui demander de te ramener après la séance de shopping. Parce que l’aventure du taxi c’est sympa, mais pas au point de la tenter deux fois dans la même journée.