Matériel militaire : les exportations de l’Espagne vers le Maroc n’ont pas connu la crise en 2021

Auditée par la Commission de défense du congrès espagnol, la secrétaire d’État au Commerce, Xiana Margarida Méndez, a confirmé une baisse des exportations espagnoles de matériel militaire en 2021. Mais cette année-là, malgré la crise diplomatique, l’Espagne a fourni plus de matériel à l’armée marocaine que l’année précédente. Les détails.

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La vague de froid qui a traversé le ciel des relations diplomatiques entre Rabat et Madrid en 2021 n’a pas brouillé les pistes de livraison de matériel militaire. Si les commandes de matériel militaire espagnol effectuées par les Forces armées royales (FAR) n’atteignent pas les niveaux des gros clients de l’Espagne, le Maroc figure en bonne place.

Auditionnée le 22 juin dernier par la commission de Défense, Xiana Margarida Méndez, la secrétaire d’État au Commerce, est revenue sur les exportations espagnoles de matériel militaire à travers le monde en 2021. Rattaché au ministère de l’Économie, son département dirige le Conseil interministériel du commerce et du contrôle des matériels de défense et des technologies à double usage.

Le Maroc, premier client de l’Espagne en Afrique du Nord

Ainsi, il ressort de son exposé que la valeur totale des exportations de matériel de défense de l’Espagne en 2021 a atteint 3290,2 millions d’euros, soit 9,1 % de moins que les 3622,4 millions d’euros en 2020. Dans le trio de tête des pays destinataires, on retrouve la France (654,3 millions), l’Allemagne (432,6 millions) et les Pays-Bas (407,6 millions).

Même si le Maroc ne caracole pas en tête des gros importateurs, le royaume occupe le rang de premier client de l’Espagne en Afrique du Nord. Le royaume a en effet passé commande de 14,9 millions d’euros de matériel espagnol en 2021.

À l’échelle continentale, le Maroc est le troisième importateur de matériel militaire espagnol

Les importations marocaines en provenance d’Espagne en 2021 représentent près du double de celles de l’Algérie. Le voisin de l’est a commandé pour 7,2 millions d’euros de pièces détachées, pièces détachées pour avions de transport, ensembles de protection anti-mines pour véhicules militaires et systèmes de télécommande pour armes de 12,7 mm. Le Maroc a aussi commandé plus de matériel que la Tunisie (2,7 millions d’euros) qui importe d’Espagne essentiellement des munitions de guerre et du matériel d’assaut.

Dans le détail, en 2021, ces achats marocains correspondent à des pièces de rechange et pièces détachées pour des avions de transport de fabrication espagnole, des mortiers ou autres accessoires militaires pour une valeur de 3,2 millions d’euros. Le reste est affecté à l’acquisition de 91 véhicules de transport pour un montant estimé à 11,7 millions d’euros.

À l’échelle continentale, le Maroc est le troisième importateur de matériel militaire espagnol, derrière le Burkina Faso (34,4 millions d’euros) ou encore l’Égypte (27,5 millions d’euros). Le royaume se place devant le Nigéria (9,5 millions d’euros), l’Algérie (7,2 millions d’euros) ou encore la Côte d’Ivoire (3,7 millions d’euros).

Quand le militaire transcende la crise diplomatique

À noter que les exportations espagnoles de matériel militaire vers le royaume ont connu une hausse non négligeable en glissement annuel. En 2020, les exportations militaires de l’Espagne vers le Maroc se sont chiffrées à 12,5 millions d’euros.

Selon des chiffres du département de Xiana Margarida Méndez, le Maroc a commandé pour 80 millions d’euros de matériel entre 2016 et 2019, essentiellement des munitions pour mortier ou leurs pièces de rechange, explosifs plastiques, du matériel de détonation ou encore des pièces de rechange pour véhicules blindés et avions.

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Et pourtant, cette progression des livraisons espagnoles au Maroc en 2021 n’épouse pas la courbe d’évolution des relations diplomatiques entre les deux royaumes. Rompant avec sa position de neutralité adoptée depuis plus de 40 ans, l’Espagne avait fini en mars 2022 par infléchir sa position sur l’épineux dossier du Sahara. Mais les deux royaumes reviennent de loin.

Une année plus tôt, le ciel des relations entre le royaume chérifien et le royaume ibérique a vu s’accumuler les nuages d’une crise. Pendant un an, les deux voisins vont s’écharper dans une longue crise diplomatique. Rabat avait peu goûté l’autorisation accordée au plus haut niveau de l’État espagnol pour que Brahim Ghali, le chef du Polisario, vienne se soigner en catimini sur son sol, et pire, sous fausse identité.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune (à gauche), accompagné du chef des armées, le général Saïd Chengriha, au chevet de Brahim Ghali, mercredi 2 juin 2021 à Alger.Crédit: AFP PHOTO / HO /ALGERIAN TV

Ce qu’il est convenu d’appeler “l’affaire Ghali” avait donné lieu à une passe d’armes diplomatique entre les deux royaumes et même au rappel de Karima Benyaich, l’ambassadrice du Maroc à Madrid. Sa convocation au ministère espagnol des Affaires étrangères avait particulièrement déplu.

Elle faisait suite à l’entrée massive de plus de 8000 migrants à Sebta en mai 2021, dont 4000 avaient été renvoyés au Maroc par l’Espagne. Cette dernière avait dénoncé un “chantage du Maroc à travers la pression migratoire.

Il aura fallu une lettre de Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol, au roi Mohammed VI pour calmer l’ire de Rabat. Dans cette missive, Madrid promettait une “transparence absolue” au Maroc, voulant être “un grand ami et un grand allié”.

En appui à cette volonté, le roi Felipe VI y était même allé de son commentaire d’apaisement en louant les relations entre les deux voisins. La crise ne sera définitivement enterrée qu’avec la visite de Pedro Sanchez au Maroc en avril dernier et son audience suivie d’un f’tour avec le roi Mohammed VI qui a rapproché les deux royaumes, au grand dam de l’Algérie. Mais la tension a curieusement épargné les exportations militaires espagnoles vers le Maroc…