C’est une semaine riche en actualités politiques que nous venons de vivre. Les nominations de nouveaux responsables en Conseil des ministres ainsi que le remaniement ministériel du 23 octobre ont fait réagir. Pour certains, c’est le profil des nouveaux ministres qui fait jaser. Pour d’autres, c’est le replacement d’autres responsables qui suscite l’indignation. Mais avec un peu de recul, il est possible d’avoir une vision globale des potentielles conséquences de cette séquence politique.
“Le récent jeu de nominations a permis d’écarter, ou de replacer, des profils critiques envers l’action gouvernementale ou des personnalités ne rentrant pas dans le moule du RNI version Akhannouch”
Aziz Akhannouch est sans doute le grand gagnant de ce rebattage des cartes. Le récent jeu de nominations a permis d’écarter, ou de replacer, des profils critiques envers l’action gouvernementale ou des personnalités ne rentrant pas dans le moule du RNI version Akhannouch. Ahmed Lahlimi, qui pointait dans ses rapports les défaillances gouvernementales – notamment sur les créations d’emplois insuffisantes – n’est plus le président du Haut-Commissariat au plan (HCP). Il est remplacé par Chakib Benmoussa.
Le nouveau patron du HCP se refusait à faire le jeu de Aziz Akhannouch et à intégrer le cercle de ses fidèles. Sans le vouloir, il risquait également de lui faire de l’ombre avec une réforme de l’enseignement qui s’annonçait prometteuse. Ahmed Reda Chami, lui, a été redirigé vers l’ambassade du Maroc auprès de l’Union européenne. Selon la vision de ses proches, certains de ses rapports étaient “certainement dérangeants” pour la primature. Aziz Akhannouch avait lui-même suggéré devant le parlement qu’un rapport de l’instance constitutionnelle sur les NEET avait pour objectif de ternir son bilan de mi-mandat.
La logique de ces nominations reste toutefois difficilement contestable. Ahmed Lahlimi tire sa révérence à 85 ans, après plus de deux décennies passées au service de l’État. Son remplacement par Chakib Benmoussa est un mal pour un bien. Le nouveau patron du HCP pourra apporter sa vision d’ancien président de la CSMD aux statistiques fournies par l’institution et contribuer à la réussite du Nouveau modèle de développement.
La nomination d’Ahmed Reda Chami à la tête de la délégation marocaine auprès de l’UE a des allures d’évidence. Son précédent passage à Bruxelles avait permis de réparer la relation Maroc-UE et de renforcer les accords de coopération avec les 27. Une mission qu’il reprend aujourd’hui, alors qu’il dispose encore de nombreux relais dans les institutions européennes.
Autre constat, plusieurs profils réputés proches du Chef du gouvernement ont accédé à des postes de responsabilités. Son ancien chef de cabinet, Amine Tahraoui, est désormais ministre. Tout comme Mohamed Saad Berrada qui siège depuis maintenant quatre ans au sein du conseil d’administration d’une entreprise détenue par Aziz Akhannouch, Afriquia Gaz. L’ancienne directrice de campagne du président du RNI, Wafaâ Jemali, a pour sa part été nommée à la tête d’un établissement public.
L’ensemble de ces profils ont été placés à des postes clés en vue des prochaines échéances électorales. En attendant, Aziz Akhannouch pourra directement gérer la politique de ministères stratégiques. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Le ministère de l’Education, piloté désormais par Mohamed Saad Berrada, est le foyer d’un large bassin d’électeurs, notamment au sein des syndicats de l’enseignement. Idem du côté du ministère de la Santé, à la tête duquel Amine Tahraoui a été nommé.
Wafaâ Jemali, elle, dirige désormais une entité publique chargée de verser les aides directes aux populations les plus vulnérables. Il s’agit là d’un autre bassin électoral. Un proche de la nouvelle directrice générale de l’Agence nationale de soutien social nous assure néanmoins que la nouvelle responsable “cherchera à maintenir une indépendance vis-à-vis du Chef du gouvernement”, sachant que le poste est placé sous la tutelle technique du ministre du Budget.
“Le vent favorable qui souffle pour le Chef du gouvernement est à double tranchant”
Pour l’heure, il est impossible de présumer de la réussite ou de l’échec de cette nouvelle configuration qui donne les coudées franches à Aziz Akhannouch. Mais une chose est sûre, le vent favorable qui souffle pour le Chef du gouvernement est à double tranchant. En cas de réussite, le patron du RNI pourra s’attribuer tous les honneurs et aborder l’échéance 2026 en confiance. Un échec remettrait définitivement en cause sa gestion.