Quand on regarde la composition du gouvernement Akhannouch II, annoncée cette semaine, on hésite entre la déception et la résignation. La déception à l’égard du résultat d’un remaniement tant attendu. Et la résignation, car on renoue avec certaines habitudes et des réflexes que les observateurs de la vie politique marocaine connaissent et appréhendent.
“On retrouve dans ce remaniement un trait caractéristique de M. Akhannouch : la valorisation du lien de fidélité, de proximité et d’allégeance à sa personne. Il fonctionne par clan et par garde rapprochée”
C’est ainsi que l’on retrouve, dans ce remaniement, un trait caractéristique du style politique du Chef du gouvernement et probablement de sa psychologie : la valorisation du lien de fidélité, de proximité et d’allégeance à sa personne. Il fonctionne par clan et par garde rapprochée. Sa capacité d’ouverture à d’autres sensibilités et à des personnes dotées d’indépendance de caractère et de pensée est très limitée. Et quand cela se produit, il s’empresse d’œuvrer pour refermer rapidement la parenthèse.
Ce style est la transposition du modèle de gestion de l’entreprise privée dans le domaine de la vie publique et politique. Le gouvernement est ainsi perçu comme un Comex, une réunion de directeurs de départements ou de BU (Business units) qui doivent présenter à leur chef les chiffres de la semaine et l’évolution des stratégies de l’entreprise. Un modèle fonctionnant parfaitement dans le monde des affaires, et qui explique en partie le succès de M. Akhannouch, le prospère businessman, mais qui demeure limité quand il s’agit de diriger les affaires d’un pays.
Cette vision explique la nature des profils des ministres RNI présents au gouvernement : d’anciens cadres du holding Akwa, des collaborateurs au ministère de l’Agriculture, sans oublier des fidèles du parti qui n’ont d’existence politique que par lui ! Seules de très rares exceptions échappent à cette manière de choisir les femmes et les hommes destinés à gérer la chose publique.
Il ne s’agit pas de dénigrer ces ministres, car certains d’entre eux sont d’une grande compétence professionnelle et d’une connaissance parfaite du terrain (on pense notamment au duo issu du ministère de l’Agriculture), mais plutôt de questionner un mode de fonctionnement du Chef du gouvernement. Mode de fonctionnement qui ne peut qu’être soumis à la critique et au scepticisme.
Toutes les personnes de bonne foi qui aiment leur pays et aspirent à un Maroc démocratique et développé ne peuvent que souhaiter la réussite de M. Akhannouch dans sa mission. Le pays traverse une période de fortes turbulences, avec un environnement régional hostile, une situation internationale inquiétante, des indicateurs sociaux et économiques alarmants, notamment le chômage, la sécheresse et la flambée des prix. Le moral des Marocains est en berne et un sentiment de doute et d’angoisse à l’égard de l’avenir traverse les élites du pays. Ce ne sont pas les fanfaronnades et les slogans creux qui peuvent dissiper les nuages menaçants planant au-dessus de nos têtes.
C’est dans ce contexte que M. Akhannouch doit être à la hauteur du moment et des circonstances. Il ne peut pas se comporter en chef de clan, en patron de “Akhannouch SA” : il est le Chef de gouvernement de tous les Marocains et il est de sa responsabilité d’agir en conséquence. Les messages envoyés lors du dernier remaniement ministériel sont désespérants et incompréhensibles.
Ils donnent l’image d’un Chef de gouvernement à l’horizon limité, replié sur un minuscule vivier de fidèles – aussi compétents soient-ils – où il puise les éléments qui composent son équipe gouvernementale. Et ce, alors qu’il dispose du statut et des moyens pour faire appel aux meilleurs profils dont regorge le pays, dans tous les domaines. C’est un mode de fonctionnement étrange et déroutant, que seuls M. Akhannouch et ses proches collaborateurs semblent comprendre.