Un avis qui interpelle sur le danger que représente la propagation des “fake news” à l’ère du digital.
La révolution numérique a entraîné une mutation sociétale indéniable dans les domaines de la production, de la transmission et de l’accès à l’information. Cela pose problème, car on constate aujourd’hui une prolifération d’“infox”, dont la caractéristique première est de faire appel au registre émotionnel, c’est-à-dire à l’affect de l’individu.
En captivant l’attention grâce à des informations “choc” et biaisées, les fake news sont une source de profit pour ceux qui les génèrent. On constate ainsi une multiplication de détracteurs de l’information, dont l’influence est grandissante. Ces derniers, dont certains “influenceurs”, propagent des informations non sourcées, dont la véracité n’est pas avérée et dont le partage se fait à une vitesse phénoménale.
Apprendre à filtrer
Dans une ère où la quasi-totalité de la population dispose de moyens technologiques (98, 3 % des utilisateurs marocains de Facebook consultent l’application via leur smartphone), certaines questions méritent d’être posées quant au danger du manque d’encadrement de l’information.
Le rapport invite à réfléchir notamment sur le besoin de développer notre esprit critique et cartésien, menacé par les moyens employés par les plateformes numériques dans leur course à la rentabilité. Les algorithmes développés par ces applications ont pour effet de conforter les individus dans leurs cadres de pensée déjà établis, en les soumettant généralement à un contenu avec lequel ils adhèrent et qui correspond à leurs idéaux. Ainsi, le débat juste et éclairé, mis en œuvre par une confrontation d’arguments raisonnés, est menacé, de même que notre esprit critique.
Le CESE propose donc de développer un arsenal juridique permettant d’encadrer les plateformes numériques. Si aujourd’hui il existe au Maroc des lois nationales (dans le Code de la presse ou encore le Code pénal) qui réglementent la diffusion d’information, il serait également judicieux de mettre en place une législation autour des géants du numérique.
De même, le Conseil insiste sur l’importance de mettre en place des dispositifs de prévention afin d’apprendre dès le plus jeune âge à filtrer l’information non sourcée, les jeunes étant à la fois plus exposés au contenu diffusé sur les réseaux sociaux et plus influençables.
Toutefois, toute l’information ne peut bien sûr pas être contrôlée, quand on sait que 84 % des partages sont effectués via ce qu’on appelle le “dark social”, c’est-à-dire les moyens de communication interindividuels privés, comme WhatsApp. Le caractère opaque de cette information qui échappe à tout contrôle renforce la nécessité de développer l’esprit critique de chacun.
Dispositifs de fact-checking
Aujourd’hui, chacun est libre de donner son opinion, et de la rendre visible et accessible par tous. Il semble que l’anonymat renforce la tendance des individus à exprimer leur pensée sans filtre et d’une façon plus violente, en faisant preuve d’une moindre tolérance.
Le danger, c’est que cela nuit aux valeurs éthiques indispensables à la construction d’un socle de confiance nécessaire au bon fonctionnement de toute société. Il est donc primordial à la fois d’encadrer la diffusion, mais également de développer des instances de vérification de l’information, ou fact-checking. Ce service doit, bien entendu, faire preuve d’indépendance et ne pas revêtir de caractère lucratif afin de conserver sa crédibilité. Indispensables à tout média, les outils de fact-checking ont pour rôle de vérifier la cohérence de l’information, leur contexte et leur véracité.
Enfin, la lutte contre la désinformation, rappelle le CESE, doit passer par un système d’open data à travers une administration transparente qui permette au public d’avoir un accès facilité et rapide aux informations officielles. La crise du Covid avait, rappelons-le, mis en exergue la facilité avec laquelle les théories complotistes pouvaient se diffuser !