Projet de loi réseaux sociaux : entre lutte contre les fake news et craintes pour la liberté d’expression

Le Conseil de gouvernement a approuvé le 19 mars un projet de loi relatif à l’utilisation des réseaux sociaux. Si pour l’Exécutif, ce texte vise à lutter contre les fake news, pour certains internautes, il fait plutôt craindre des restrictions liées à la liberté d’expression sur la Toile.

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Le CESE alerte sur les dangers de la propagation des fake news dans un récent rapport. Crédit: DR

En pleine tempête liée à la pandémie de coronavirus, le Conseil de gouvernement a examiné et approuvé, le jeudi 19 mars, le projet de loi 22.20 relatif à l’utilisation des réseaux sociaux, des réseaux de diffusion (streaming) et réseaux similaires.

L’élaboration de ce projet de loi, présenté par le ministre de la Justice, intervient dans le cadre des mesures légales et institutionnelles initiées par le royaume, visant à lutter contre les nouvelles tendances de crimes électroniques et renforçant les mécanismes de défense, sans pour autant porter atteinte à la liberté de communication numérique, forme de liberté d’expression garantie par la Constitution, explique le porte-parole du gouvernement Hassan Abyaba, lors d’un point presse tenu à l’issue du Conseil de gouvernement, rapporte la MAP.

Contrer les fake news

Brandissant la lutte contre la diffusion des fake news et des comportements criminels numériques, notamment à l’ère de la propagation inquiétante du Covid-19, l’Exécutif explique que ce projet de loi vise “à combler le vide législatif dont souffre l’arsenal juridique national. Et d’ajouter : “Le projet de loi a aussi pour objectif d’aligner le système juridique aux lois comparées et critères en vigueur dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité, particulièrement après l’adhésion du Maroc à la Convention de Budapest sur la cybercriminalité, le 29 juin 2018.

Quelles sont alors les principales dispositions de ce nouveau projet de loi ? “Prendre note des diverses formes de cybercrimes, notamment celles qui affectent la sûreté générale, l’ordre économique public, la publication de fake news, la promotion de comportements nuisant à la dignité et à l’esprit d’autrui, ainsi que certains délits qui ciblent les mineurs, détaille le porte-parole du gouvernement.

Il s’agit également “de préciser les obligations des développeurs des services des réseaux sociaux et d’instaurer une procédure efficace et transparente, afin de lutter contre les contenus électroniques illicites. Et adopter des sanctions administratives aux fournisseurs de réseaux sociaux qui violent leurs obligations.

Hassan Abyaba affirme aussi que ce texte “garantira la liberté de communication numérique via les réseaux sociaux, les réseaux de diffusion ouverts (streaming) et le reste des réseaux similaires, à condition de ne pas porter atteinte aux intérêts consacrés par la loi”.

Craintes pour la liberté d’expression

Le projet de loi, qui ne semble pas faire l’unanimité, a été ajouté à la dernière minute à l’ordre du jour du Conseil de gouvernement. Un document demandant son ajout, daté au 18 mars et signé par Mohamed Hajoui, secrétaire général du gouvernement, circule sur les réseaux sociaux.

Ce qui n’a pas manqué d’alerter certains internautes, qui voient en ce texte un nouvel outil législatif pour confiner la liberté d’expression sur la Toile.

TelQuel Arabi rappelle que le débat sur l’élaboration d’un socle juridique encadrant l’utilisation des réseaux sociaux a commencé il y a deux ans, avec la vague de boycott visant les marques Afriquia, Centrale Danone et Sidi Ali.

À l’époque, l’ancien porte-parole de l’Exécutif Mustapha El Khalfi expliquait : “Véhiculer des allégations mensongères est une pratique illégale qui ne relève en aucun cas de la liberté d’expression. L’ancien ministre avait alors annoncé que “le gouvernement œuvrerait à la révision de la loi actuelle, car personne ne saurait accepter que l’on véhicule des informations erronées pouvant porter atteinte à la réputation du pays et à son économie, et causant de graves préjudices à des secteurs importants tels que l’agriculture, engendrant de grands problèmes économiques au pays. Des déclarations qui avaient soulevé un tollé sur les réseaux sociaux avant que l’Exécutif ne fasse marche arrière.

À noter le Conseil du gouvernement a décidé de reporter à une réunion ultérieure l’examen du projet de loi n° 46.19 qui concerne l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption. De même pour le projet de loi n° 93.17, portant création et organisation de de la fondation de promotion des œuvres sociales, au profit du personnel du ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime.