Mort de Abdelouahab Belfqih : réactions individuelles et mutisme des officiels

Abdelouahab Belfqih, ancien membre de l'USFP et du PAM, est décédé ce 21 septembre à Guelmim suite à des coups de feu. Le parquet privilégie la piste du suicide. Les réactions de la classe politique interrogent.

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Abdelouahab Belfqih, ex candidat du PAM à la présidence de Guelmim-Oued Noun, mort le 21 septembre 2021. Crédit: DR

Les élections régionales 2021 ont connu un épisode tragique ce 21 septembre à Guelmim. La ville s’est réveillée sur la nouvelle de “coups de feu” dont a été victime l’ex-candidat du Parti authenticité et modernité (PAM) à la tête de la région, Abdelouahab Belfqih.

Après avoir été transporté à l’hôpital, l’homme politique est décédé de ses blessures. Plusieurs sources médiatiques ont d’abord laissé entendre qu’il s’agissait d’une tentative de meurtre, avant qu’un communiqué du parquet auprès de la Cour d’appel de Guelmim ne privilégie la piste du suicide.

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Ce tragique événement intervient le jour de l’annonce de l’élection de la présidente de la région Guelmim-Oued Noun, M’barka Bouaida, candidate du Rassemblement national des indépendants (RNI). Elle était opposée dans la course à Mohamed Aboudrar, candidat de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et à Abdelouahab Belfqih, candidat du PAM, qui a été contraint d’abandonner la course suite au retrait de son accréditation par son parti. Une décision qui intervenait quelques heures seulement avant la publication officielle de l’accord tripartite entre le RNI, le PAM et l’Istiqlal au niveau communal et régional.

Malgré le caractère tragique de l’épisode, la classe politique demeure relativement silencieuse. Si quelques figures de la scène ont exprimé individuellement leur avis, les réactions officielles des partis se font toujours attendre.

Mutisme du PAM, l’USFP à la récupération

Le défunt a été enterré le mercredi 22 septembre dans sa terre natale, à Sidi Ifni, devant les objectifs de plusieurs caméramans et journalistes. En parallèle, deux conférences de presse importantes se tiennent à 700 kilomètres de là, à Rabat.

La première rassemble les leaders et les bureaux politiques du PAM, de l’Istiqlal et du RNI dans le siège de ce dernier, venus annoncer en grande pompe la prochaine coalition gouvernementale, tandis que la seconde est organisée en même temps par l’USFP, pour expliquer le choix du parti de la rose de se ranger dans l’opposition.

Au siège de la colombe, on parle de la confiance royale, du programme gouvernemental ou de la cohésion des trois partis. Aucune mention n’est faite de la tragédie de Guelmim, même si le défunt représentait, quelques jours seulement avant sa mort, une des trois formations politiques présentes.

Le secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouahbi, a d’ailleurs également tenu un discours devant la presse, pas très différent de celui de ses nouveaux camarades : éloge de la démocratie marocaine, du travail des trois partis, ambitions pour le prochain quinquennat, rien de plus. À l’heure de l’écriture de ces lignes, le parti du tracteur n’a publié aucun communiqué de condoléances ou de mise au point sur le drame de Guelmim. Il en va de même pour tous les autres partis politiques.

C’est au siège de l’USFP que le sujet a été abordé par le premier secrétaire de la rose. Après avoir présenté dans un premier temps ses condoléances à la famille du défunt, Driss Lachgar a rapidement enfilé son costume d’opposant en livrant sa version des faits de la transhumance de Abdelouahab Belfqih de son parti vers le PAM, pour jeter plus d’ombre sur une affaire déjà obscure.

Jusqu’à une semaine avant la campagne, il était toujours actif au sein de l’USFP […]. Plusieurs partis l’ont contacté pour qu’ils les rejoigne. Quand il a choisi d’aller vers le PAM, nous en avons discuté, et il m’a expliqué en toute honnêteté, qu’on lui a promis que ses affaires judiciaires allaient être classées, qu’elles allaient carrément disparaître du tribunal, a-t-il indiqué.

Selon nos confrères de Barlamane.com, le nom du défunt aurait en effet “été impliqué dans des affaires de dilapidation des deniers publics, d’abus de fonction et d’octroi d’indus privilèges”, le plaçant ainsi dans le viseur de la justice.

Des réactions individuelles

Les seules déclarations des femmes et hommes politiques se sont faites de manière individuelle, via des publications sur les réseaux sociaux ou aux micros de certains supports digitaux. La présidente élue de la région Guelmim-Oued Noun, M’barka Bouaida, a été l’une des premières à présenter ses condoléances à la famille du défunt sur son compte Twitter.

Mohamed Aboudrar, adversaire USFP de M’barka Bouaida, est celui qui s’est le plus exprimé sur sa page Facebook. Après avoir été le premier à informer l’opinion publique de l’incident, il s’est fendu d’un long post, quelques minutes seulement après la mort de Belfqih, où il accuse plusieurs parties.

Le sang Abdelouahab est sur les mains de tous les fonctionnaires qui n’ont pas respecté la neutralité des élections, de tous ceux qui l’ont trahi, de tous les pseudo responsables du parti, de la misérable politique”, écrit-il, et de poursuivre : Ce que nous avons subi ces deux jours, en tant qu’équipe constituée d’une majorité confortable, comme intimidations et pressions, est une affaire inédite. Je demande au ministre de l’Intérieur d’ouvrir une enquête approfondie sur l’affaire et de prévoir les sanctions nécessaires.

Discret depuis plusieurs mois, que ce soit sur le plan interne ou externe du PJD, l’ancien ministre Najib Boulif a également publié sur Facebook son point de vue, où il s’interroge sur “l’alternative politique tant attendue” après la débâcle de son parti aux électionsHier, une conseillère a fait part de la menace qui pèse sur sa vie avant l’élection du bureau de la commune de Rabat, et aujourd’hui Belfqih a été abattu d’un coup de feu avant l’élection du conseil régional de Guelmim !!! Est-ce l’alternative attendue ??? Que Dieu préserve notre pays”.

Najwa Koukouss, qui était également victime de violence dans le cadre de sa campagne il y a quelques jours, fait partie des rares cadres du PAM qui se sont exprimés à titre individuel, en présentant ses condoléances à la famille du défunt. D’autres jeunes militants du parti ont par ailleurs exprimé sur les réseaux sociaux le retrait de leur adhésion au PAM, estimant que le parti “aurait trahi le défunt”, selon les messages consultés par TelQuel.