Le 29 juillet 2020, le roi Mohammed VI prononçait un discours qualifié “d’historique” et de “révolution sociale”, voire de “big bang social”. Au cœur de l’été 2020, et au lendemain d’un premier semestre marqué par la crise causée par la pandémie de Covid-19, le souverain annonçait la généralisation de la protection sociale.
Le 9 octobre suivant, lors d’un discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de la session d’automne du parlement, le roi fixait un nouvel objectif en annonçant que près de 22 millions de Marocains supplémentaires devraient bénéficier d’une couverture maladie de base, entre indépendants et ramedistes.
Au vu des ambitions affichées par Mohammed VI, qui avait lui-même déclaré que le Covid avait mis en évidence des “insuffisances” en termes d’aides sociales, le chantier est gigantesque.
Quelques semaines après ce discours, TelQuel publiait un dossier dans lequel nous nous interrogions sur les enjeux colossaux de cette réforme ainsi que le peu d’implication des responsables politiques pour sa mise en œuvre. Depuis, les responsables concernés par cette réforme ont visiblement mis le bleu de chauffe.
Bleu de chauffe gouvernemental
Le 26 mai dernier, dans la foulée d’un Conseil de gouvernement lors duquel deux textes relatifs à la protection sociale ont été adoptés, Fouzi Lekjaâ, ministre du Budget, annonçait l’adhésion de huit millions de bénéficiaires à l’AMO. Un chiffre qui, selon le ministre, reflète l’adhésion de 2 millions de libéraux ainsi que de leurs ayants droit à l’AMO. Soit 70% de la population ciblée au sein de cette catégorie de travailleurs par le gouvernement.
Et l’État ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Pour les deux prochaines années, le royaume prévoit de généraliser les allocations familiales, puis d’élargir l’assiette des adhérents aux régimes de retraite. Dans la foulée, la généralisation des indemnités pour perte d’emploi devra être effective dès 2025.
Ces avancées sont encadrées par des lois. Le gouvernement a élaboré le cadre juridique nécessaire concernant la couverture santé et le système de retraite, avec la promulgation de la loi-cadre n°09-21 relative à la protection sociale. Des accords-cadres sont signés régulièrement pour faciliter la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire de base et en vue de couvrir différentes catégories de la société. À ce jour, le gouvernement a adopté 22 décrets qui ont permis l’intégration de l’ensemble des catégories socio-professionnelles concernées.
Un défi de taille
Pour accompagner cette révolution, des moyens considérables, tant sur le plan humain que financier, devront être mobilisés. Pour la seule mise en œuvre de la généralisation des aides sociales, un budget de 51 milliards de dirhams sera mobilisé. La mise à niveau des infrastructures de santé, elle, nécessitera une enveloppe de six milliards de dirhams.
En parallèle, le Maroc continue de souffrir d’une pénurie aiguë de soignants et d’infrastructures. Le pays ne compte que 7 médecins pour 10.000 habitants, selon le diagnostic de la Commission spéciale sur le modèle de développement, rendu public en mai 2021.
Cette instance consultative, mandatée par le roi, estime qu’il faudrait former pas moins de 54.000 médecins et 107.000 infirmiers pour avoir un système de santé de qualité et pour tous.
Une réforme de la santé qui se fait attendre
Les défis sont donc considérables. Afin de contenir la demande en soins qui augmentera avec l’arrivée de millions de nouveaux adhérents à l’AMO, la loi-cadre sur la généralisation de la couverture sociale prévoit notamment la multiplication des programmes de formation et la consolidation des compétences médicales des professionnels du secteur de la santé.
Le pays a prévu également l’ouverture de la pratique de la médecine aux investissements et compétences étrangers, l’encouragement des établissements internationaux de santé à travailler et à investir au Maroc, et la capitalisation sur les expériences réussies.
Des inquiétudes persistent néanmoins sur le volet de la réforme du système de santé. Malgré l’élaboration d’une stratégie et d’un plan d’action clairs pour cette réforme , sa mise en œuvre opérationnelle n’a toujours pas débuté formellement. Organisation, institutions et ressources humaines, nombreux sont les chantiers que le département de tutelle, le ministère de la Santé, doit prendre à bras-le-corps.
Car l’enjeu est majeur. Si cette réforme structurante est mal dégoupillée, on pourrait prendre le risque de voir l’essentiel de la demande de soin se diriger vers le privé… en risquant de faire exploser l’équilibre financier du système de santé. A nos gouvernants donc de transformer l’essai et de concrétiser ce qui semble être un chantier de règne dans le domaine de la protection sociale.
TelQuel Impact, c’est quoi ?
TelQuel a toujours accordé un fort intérêt aux projets structurants. Notre publication a suivi au plus près les politiques qui peuvent contribuer au développement de notre pays, qu’il s’agisse de l’évolution de la politique des énergies renouvelables au Maroc ou des travaux très attendus de la CSMD. Une qualité reconnue par certains de nos partenaires institutionnels souhaitant mettre la lumière sur des projets que TelQuel estime être structurants. C’est dans ce sens que TelQuel Impact a été mis en place.
A travers TelQuel Impact, TelQuel accompagne des acteurs institutionnels, qu’il s’agisse d’ONG ou d’acteurs gouvernementaux dans la réalisation de:
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Dans le cadre de cette section, la rédaction de TelQuel maintient son indépendance éditoriale tout en vous apportant une information détaillée sur ces projets qui feront le Maroc de demain. Ce dossier a été réalisé en partenariat avec les services du ministre délégué chargé du Budget.