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Témoignages : ils ont adopté l’AMO

Une pharmacienne, un adoul, un épicier, un responsable associatif dans l'artisanat... Leur point commun? Ils n'étaient pas assurés. Ils racontent pourquoi ils ont adhéré à l'AMO, et ce que cela leur apporte.

Par

Wafaa Jari, 43 ans

Docteure en pharmacie et gérante d’une pharmacie à Casablanca

“Avant mon adhésion à l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), je redoutais le jour où j’allais tomber malade. C’était devenu une peur qui me hantait au quotidien. Je me disais que je n’avais pas le droit de tomber malade. Mes employés avaient tous une couverture médicale qui les protégeait, et moi je n’avais rien.

Je ne pouvais pas me permettre de faire des analyses médicales approfondies, ni de bilans vraiment complets pour évaluer mon état de santé, leurs coûts étaient exorbitants. Je ne pouvais pas non plus me procurer certains médicaments, car ils étaient trop coûteux. Je dépannais avec quelques échantillons de médicaments qu’on nous offrait.

“L’État me rembourse enfin mes frais médicaux. Je peux maintenant faire les examens et les consultations que je reporte depuis plusieurs années”

À cette crainte, s’est ajoutée une forme d’appréhension quant à ma retraite. Pendant longtemps, nous gérants de pharmacie, on craignait nos départs à la retraite parce qu’on savait qu’on se retrouverait tous dans la précarité, en fin de vie, comme beaucoup de confrères avant nous. On envisageait de retarder notre départ le plus possible en sachant très bien qu’on le payerait sûrement cher question santé.

C’est pour sortir de cette situation de fragilité que je me suis inscrite à l’AMO en août dernier. Aujourd’hui que je suis assurée en tant que travailleuse non salariée exerçant une activité privée (TNS), l’État me rembourse enfin mes frais médicaux. Je peux maintenant faire les examens et les consultations que je reporte depuis plusieurs années faute de moyens et je peux aussi me procurer tous les médicaments dont j’ai besoin”.

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Mohamed Chamil, 53 ans

Adoul à Casablanca

Photo d’illustrationCrédit: DR

“On sait tous que la santé, c’est ce qu’il y a d’essentiel dans la vie. On ne se rend compte de son importance qu’après l’avoir perdue, lorsqu’on est souffrant, cloué au lit, incapable de se lever pour aller travailler. On ressent l’importance de la santé encore plus lorsqu’on est dans l’impossibilité de payer nos soins médicaux.

J’exerce le métier de adoul depuis près d’une trentaine d’années et durant tout ce temps, je n’ai jamais eu de couverture médicale. Au fil du temps, j’ai dû renoncer à de nombreux soins, notamment dentaires, alors que j’en avais besoin. D’autres collègues atteints de maladies chroniques ou de maladies rares ont encore plus souffert que moi, avant le lancement du projet de généralisation de la couverture médicale.

“Je parle de camarades adouls qui ont dû subir des chirurgies lourdes, des séances très lourdes de chimiothérapie, sans aucune protection sociale”

Je parle de camarades adouls qui souffrent de cancers, de problèmes cardiovasculaires ou de diabète aigu et qui ont dû subir des chirurgies lourdes, des séances très lourdes de chimiothérapie, sans aucune protection sociale. Les montants qu’ils ont dû payer étaient excessivement élevés. On a collecté de l’argent entre amis pour les aider à se soigner à l’époque.

Heureusement que la catégorie des adouls a été l’une des premières à bénéficier de la réforme du régime de couverture sociale. Personnellement, ça va faire bientôt deux ans que j’ai adhéré en tant que personne non salariée exerçant une profession libérale. Je bénéficie désormais d’une prise en charge de mes soins, de tous mes frais médicaux sont remboursés et les tarifs de cotisation ne sont pas si importants que ça. Mensuellement, je paie une cotisation de 300 dirhams. Une contribution assez adaptée à mon revenu”.

Mhamed Choukiri, 80 ans

Épicier à Casablanca

“ne pas avoir de protection sociale ne me dérangeait pas plus que ça, jusqu’au jour où j’ai appris que je souffrais d’insuffisance rénale chronique”

“Durant ma jeunesse, je ne me souciais pas de ma santé. Je tombais rarement malade et donc ne pas avoir de protection sociale ne me dérangeait pas plus que ça, jusqu’au jour où j’ai appris que je souffrais d’insuffisance rénale chronique, qui a commencé à impacter ma mobilité et ma vie quotidienne.

La période la plus dure, c’était le début, quand j’ai commencé à faire mes séances d’hémodialyse. Le premier mois, surtout, c’était l’enfer, car en plus de subir une épreuve physique difficile, psychologiquement, j’étais au plus mal car je n’avais pas de prise en charge médicale et donc mes enfants ont dû se battre pour me payer tous les frais médicaux qui avoisinaient les 11 000 dirhams par mois. J’ai même dû fermer boutique pour me soigner.

“En me voyant dans cet état, un ami de mon fils m’a suggéré d’adhérer à l’AMO pour me sortir de ce gouffre financier”

En me voyant dans cet état, un ami de mon fils m’a suggéré d’adhérer à l’AMO pour me sortir de ce gouffre financier. Maintenant, que j’ai mon assurance maladie, je ne culpabilise plus parce que je suis en partie remboursé pour chaque séance et chaque boîte de médicament.

Faisant partie de la catégorie des adhérents atteints d’affections de longue durée et nécessitant des soins lourds et coûteux, je ne m’acquitte que de près de 30% des frais médicaux. L’autre partie est totalement couverte par la CNSS avec un taux de couverture qui avoisine les 70%”.

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Mohamed Khatfani, 54 ans

Responsable de la communication et du secteur du commerce de gros de l’Association nationale Hadaf des commerçants, artisans et services sociaux et humains

“Depuis 2016, nous faisons un travail de sensibilisation sur l’importance de la mise en place d’une protection sociale dans le secteur de l’informel. Quand l’annonce d’une réforme de la couverture médicale est tombé, nous avons encouragé tous nos membres qui travaillaient dans le secteur de l’informel de s’inscrire au registre national de l’autoentrepreneur.

Aujourd’hui, ils sont près d’un millier de peintres, de menuisiers, de petits producteurs d’huile d’olive à avoir ce statut. Ce passage vers le formel a permis de les sortir de l’ombre. Il leur a offert des perspectives d’évolution non négligeables avec davantage de débouchés commerciaux.

Nous avons également parmi nos membres des artisans, maîtres et apprentis qui font de la poterie, du tissage, de la maroquinerie ou de la broderie et qui ont adhéré au registre national de l’artisanat. Tous avaient cruellement besoin d’une couverture médicale, surtout que leurs métiers sont assez risqués. Ils sont constamment exposés aux blessures.

Il ne faut pas oublier que ces gens-là ont en moyenne des revenus assez faibles et que la crise sanitaire du Covid a porté un coup dur à leurs activités respectives. Depuis quelques mois et grâce à cette réforme, nos membres autoentrepreneurs et artisans sont affiliés au régime national de la Sécurité sociale.

Ils bénéficient de l’AMO dans le cadre de la Contribution professionnelle unique (CPU) qui permet aux professionnels de s’acquitter d’un seul impôt tout en leur assurant une couverture médicale à travers un droit complémentaire destiné aux prestations sociales couvrant l’assurance-maladie obligatoire”.

Photo d’illustrationCrédit: FADEL SENNA / AFP