La CDAI veille à la bonne application du droit d’accès à l’information, conseille les institutions assujetties, reçoit et instruit les plaintes et enquête à leur sujet. Crédit: DR

Droit d'accès à l’information : la CDAI dresse le bilan et prépare une refonte de la loi

Cinq ans après son entrée en vigueur, une refonte de la loi 31-13 relative au droit d’accès à l’information est désormais à l’ordre du jour pour renforcer ce droit fondamental, considéré comme un pilier de la démocratie moderne et un outil essentiel dans la lutte contre la corruption.

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Le droit d’accès à l’information trouve ses racines dans la Constitution marocaine de 2011. L’article 27 dispose que “les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public”.

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Cette disposition constitutionnelle a ouvert la voie à la loi 31-13, publiée au Bulletin Officiel du 12 mars 2018 et entrée en vigueur, pour partie, le 12 mars 2019. Créée en vertu de cette loi, la Commission du droit d’accès à l’information (CDAI) s’attelle, depuis 2019, à inscrire ce droit dans les pratiques quotidiennes des institutions marocaines.

La CDAI veille à la bonne application du droit d’accès à l’information, conseille les institutions assujetties, reçoit et instruit les plaintes et enquête à leur sujet

L’une des missions de la CDAI consiste à “recevoir les plaintes déposées par les demandeurs d’informations et faire tout le nécessaire aux fins d’y statuer, en procédant aux enquêtes et aux investigations et en formulant des recommandations à cet égard”.

Le bilan chiffré de la CDAI montre une augmentation des plaintes déposées auprès de l’institution présidée, elle aussi, par Omar Seghrouchni. “Vous voyez que cela augmente mais cela reste assez faible. Il y a beaucoup de sensibilisation à faire !”, observe-t-il.

Le bilan chiffré de la CDAI montre une augmentation des plaintes déposées auprès de l’institution présidée, elle aussi, par Omar Seghrouchni.Crédit: TOUMI/TELQUEL

D’autant que ces chiffres reflètent uniquement les plaintes adressées à la CDAI lorsque les entités concernées ne répondent pas aux demandes initiales des citoyens. Ils soulignent la nécessité d’un travail de fond pour sensibiliser à la fois les institutions et le grand public à l’importance de ce droit et aux mécanismes permettant de l’exercer.

Un bilan satisfaisant

Nous avons beaucoup avancé. Nous avons inscrit la CDAI dans l’espace institutionnel. Nous expliquons notre rôle en tant qu’une des institutions de recours avant les tribunaux administratifs”, se félicite Omar Seghrouchni.

L’institution qu’il préside travaille avec un large éventail d’institutions, incluant les deux chambres du parlement, les administrations publiques, les tribunaux, les collectivités territoriales, les entreprises publiques et toute personne morale de droit public, entre autres instances.

La Commission joue un rôle central dans la mise en œuvre et le respect du droit d’accès à l’information. Ses missions sont multiples et essentielles. La CDAI veille à la bonne application du droit d’accès à l’information, conseille les institutions assujetties, reçoit et instruit les plaintes et enquête à leur sujet.

“Plus nous travaillons, plus nous découvrons que ce qui reste à faire est important et nécessite des ressources supplémentaires”, remarque Omar Seghrouchni

Elle sensibilise et forme les institutions assujetties, rend des recommandations pour améliorer les procédures d’accès à l’information, présente des propositions au gouvernement pour harmoniser les textes législatifs et réglementaires, rend des avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires, et prépare un rapport annuel.

Ces missions soulignent l’importance de la CDAI dans l’écosystème institutionnel marocain et son rôle de garant du droit d’accès à l’information. Cependant, le chemin à parcourir reste considérable. “Plus nous travaillons, plus nous découvrons que ce qui reste à faire est important et nécessite des ressources supplémentaires”, ajoute Omar Seghrouchni.

Des défis majeurs

“Nous sommes dans une phase de construction avec les difficultés de la construction”, explique le président de la CDAI. La loi 31-13, entrée en vigueur en 2019, avec ses articles sur la proactivité appliqués depuis 2020, nécessite des ajustements pour répondre pleinement aux enjeux de transparence et d’accès à l’information.

L’un des défis majeurs concerne les sanctions en cas de non-respect de la loi. “Nous devons décider, par exemple, quoi faire si jamais une institution refuse d’appliquer la loi”, projette Omar Seghrouchni. Actuellement, c’est le tribunal administratif qui statue sur ces questions, mais une réflexion est en cours pour optimiser ce processus.

Plusieurs défis restent à relever pour garantir une mise en œuvre efficace du droit d’accès à l’information. La sensibilisation du public est cruciale pour informer les citoyens de leurs droits et des procédures pour les exercer. La formation des institutions est nécessaire pour que les organismes assujettis puissent répondre efficacement aux demandes d’information.

L’harmonisation des textes doit assurer la cohérence entre la loi 31-13 et d’autres textes juridiques, comme la loi sur la protection des données à caractère personnel. La mise en place de sanctions efficaces est essentielle pour garantir le respect de la loi. Enfin, l’adaptation aux nouvelles technologies est primordiale pour que la loi prenne en compte les enjeux liés à la numérisation des données et à l’open data.

Vers une refonte de la loi

Consciente des limites actuelles, la CDAI a publié une délibération en mars 2023 proposant des amendements à la loi. “Nous avons écrit, suite à cette délibération, au Chef du gouvernement pour demander une évolution de la loi”, nous informe le président de la Commission. Cette initiative a reçu un accueil favorable du gouvernement.

Des consultations sont actuellement en cours, en partenariat avec le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, pour préparer cette refonte. “La loi doit évoluer”, insiste Omar Seghrouchni, soulignant la nécessité d’adapter le cadre juridique aux réalités du terrain et aux défis rencontrés depuis l’entrée en vigueur de la loi.

Alors que le droit d’accès à l’information est un pilier de la démocratie moderne, la révision de la loi 31-13 pourrait marquer un tournant dans la pratique de la transparence au Maroc

Le 18 décembre 2023, la CDAI et le ministère concerné ont établi une méthodologie et un plan d’action pour réviser la loi. Cette démarche vise à impliquer les acteurs institutionnels et les représentants de la société civile dans le processus de révision. L’objectif est clair : renforcer la loi pour, selon les termes de la Commission, “contribuer à la transparence dans la gestion de la chose publique et la lutte contre la corruption”.

Cette approche collaborative devrait permettre d’aboutir à une loi plus robuste et mieux adaptée aux besoins de toutes les parties prenantes. Alors que le droit d’accès à l’information s’affirme comme un pilier de la démocratie moderne, cette révision législative pourrait marquer un tournant dans la pratique de la transparence au Maroc. Les prochains mois seront cruciaux pour définir les contours de cette évolution tant attendue.

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