Maroc-UE : la résolution sur les journalistes au Maroc, une interférence dans un processus judiciaire en cours, selon Lahcen Haddad

La partie marocaine de la Commission parlementaire mixte maroco-européenne dénonce une “interférence” sur “une affaire judiciaire en cours” de la part du parlement européen. Ce dernier entend porter un projet de “résolution sur la situation des journalistes au Maroc notamment le cas Omar Radi”. Les détails.

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Lahcen Haddad, président de la commission parlementaire mixte Maroc-UE. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

A travers le projet de résolution sur “la situation des journalistes au Maroc, notamment le cas d’Omar Radi”, le Parlement européen évoque “un dossier judiciaire ouvert devant une justice indépendante d’un pays partenaire et interfère, de ce fait, dans le processus judiciaire en cours, ce qui est en contradiction avec les principes des droits de l’Homme”, a affirmé le président de la commission parlementaire mixte Maroc-UE, Lahcen Haddad.

Dans une lettre adressée aux eurodéputés, au nom des membres marocains de la commission parlementaire mixte Maroc-UE, Lahcen Haddad a déclaré que “plusieurs parties ont cherché à faire croire, au nom des droits de l’Homme, que cette personne (Omar Radi) a été incarcérée injustement et arbitrairement pour ses opinions, alors qu’il s’agit en réalité d’un détenu de droit commun accusé de viol”.

Le journaliste Omar Radi.Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

Relevant que le Maroc a dès 2016 expurgé le Code de la presse des peines privatives de libertés pour les journalistes, Haddad a indiqué que la condition de publicité du procès a été respectée, que les procédures d’arrestation étaient conformes à la loi et à la procédure pénale, que la défense de l’accusé a requis un procès en présentiel et que toutes ses demandes ont été acceptées par les juges.

Selon le président, un délai raisonnable a été respecté pour son procès. Haddad a également indiqué que l’accusé a été informé des accusations portées contre lui, a eu accès à l’avocat de son choix, et a pu disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, avec l’octroi de nombreux reports pour la préparation du procès, conformément à la demande de la défense.

“Comme pour tout autre cas de procès relevé par les ONG des droits de l’Homme, les conditions d’un procès et d’un jugement équitables étaient présentes”, a-t-il soutenu, notant que la réforme de la justice marocaine entamée depuis quelques années garantit un accès libre et intègre de tout le monde à la justice. Dans cette lettre, Haddad a également fait savoir que la plaignante, elle-même journaliste, a été immédiatement entendue par le procureur général après le dépôt de sa plainte.

“Conscients de ce que représente cette affaire de violence sexuelle, comme de précédentes, pour les droits des justiciables, hommes et femmes, dans notre pays, et conformément au principe de l’indépendance de la justice, la décision de justice a été rendue sur le seul fondement de l’application impartiale de la loi”, a-t-il expliqué.

Haddad a, par ailleurs, condamné “fermement la campagne de diffamation, de fake news, de harcèlement et de dénigrement, acharnée et inédite dans son ampleur, dont a été victime la plaignante dans cette affaire, ainsi que les calomnies, attaques et menaces répétées, attentatoires à sa dignité et mettant en péril sa sécurité, sa santé et son bien-être”.

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Le président de la commission a également fait remarquer qu’“aucune personne ne peut faire l’objet, comme le soulignent le préambule de la Constitution du Royaume et l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils, de discrimination ni de persécution à cause de son sexe, son identité, son origine sociale, son opinion, notamment dans un but d’intimidation ou pour la contraindre au silence”.

“Ni le métier, ni la notoriété, ni les relations, ni même les opinions des concernés ne peuvent constituer, à eux seuls, des éléments à charge ou à décharge de crimes et/ou délits, comme ils ne peuvent aucunement remettre en question le principe d’égalité des citoyens devant la loi garanti par l’article 6 de la Constitution marocaine”, a enchaîné Haddad, qui a invité ses collègues européens ainsi que les autres intervenants à œuvrer pour faire prévaloir, lorsqu’ils le jugent approprié, les dispositions internationales en la matière, sachant que le processus judiciaire du cas de Omar Radi est toujours en cours et que l’affaire est en cours de cassation.

“Nous réitérons notre recommandation pour que tous les intervenants adhèrent aux principes des droits de l’Homme et aux libertés fondamentales reconnues par les lois nationales et internationales, et d’agir conformément à la loi, aux normes internationales et aux règles de déontologie, comme le rappellent les principes de base relatifs au respect de l’indépendance de la justice”, a-t-il précisé.

Haddad a, d’autre part, indiqué que les députés marocains considèrent qu’il est urgent de faire en sorte que les femmes victimes de viols sexuels bénéficient universellement des droits et principes consacrant l’égalité, la sécurité, la liberté, l’intégrité et la dignité de tous les êtres humains.

“Nous défendons avec force le droit de la victime de cet acte présumé de viol commis par un journaliste sur une femme, journaliste aussi, à recourir à la justice”, a-t-il souligné, ajoutant que “le droit à un procès équitable ne doit pas être garanti seulement pour un journaliste homme et interdit à une journaliste femme”.

Haddad a aussi soutenu que les députés marocains, membres de la Commission parlementaire mixte Maroc-UE, demandent à tous les eurodéputés d’être vigilants devant ce cas de figure qui est toujours en phase de jugement devant la Cour de cassation et de ne pas voter cette résolution qui fait la promotion d’un journaliste présumé violeur aux dépens d’une journaliste qui l’accuse de l’avoir violée et à qui le Tribunal de première instance a déjà donné raison.

“Nous aurions souhaité que nos collègues eurodéputés se penchent sur des cas réels et avérés de violations de droits de l’Homme dans d’autres pays du voisinage européen au lieu de se focaliser sur un seul pays partenaire et voisin européen de premier rang qu’est le Royaume du Maroc et qui a fait des avancées très notoires en matière de droits de l’Homme confirmées par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, le département d’État américain, les instances européennes des droits de l’Homme et autres”, a-t-il encore précisé dans cette lettre.

(avec MAP)