Pour injecter le premier kilowattheure dans le réseau électrique britannique, Xlinks doit d’abord décrocher un accord avec le gouvernement. Il s’agirait pour la start-up de s’appuyer sur une subvention publique pour parvenir à maintenir un prix fixe de 48 livres/mégawattheure. Si ce barème reste encore en-deçà du prix de l’énergie produite à partir de centrales nucléaires (92,5 livres/mégawattheure), les réticences du gouvernement doivent ainsi être écartées avant que le courant ne traverse les premiers câbles.
L’affaire apparaît cependant bien engagée puisque le projet a emprunté Whitehall, la longue avenue à Westminster à Londres qui abrite les sièges des différents ministères. Les départements concernés par le projet planchent ainsi sur le soutien qu’ils pourraient apporter pour profiter du potentiel solaire et éolien du Maroc pour juguler la forte demande en électricité du royaume, rapporte la presse locale.
12 millions de panneaux solaires, 503 éoliennes dans le désert
Avec sa ligne d’interconnexion, Xlinks compte bien démontrer que l’électricité qu’elle produira dans le désert marocain sera plus, sinon aussi rentable que l’énergie nucléaire, pour alimenter les foyers britanniques. Le moins que l’on puisse dire c’est que les chiffres aussi bien que l’avancée du projet plaident en faveur de l’objectif que la start-up britannique s’est fixée.
En juillet dernier, XLCC, la société chargée de fabriquer certains des quatre câbles de 3800 km de long, a décroché le permis de construction de sa méga-usine à Hunterston, en Écosse. Pour suppléer la production des câbles revêtus de polyéthylène réticulé (PER, prisé pour ses propriétés de résistance aux températures), une seconde unité industrielle devrait être construite à Teesside, près de Middlesbrough, dans le comté de North Yorkshire au nord-est du pays.
Parallèlement à la production des câbles, Xlinks a mobilisé trois chantiers navals dans le pays pour livrer le câblier. Prévu pour être livré dès 2025, ce navire est affecté à tous les aspects opérationnels autour de la certification qualité et la pose des 4 câbles haute tension à courant continu (HDVC, acronyme en anglais). Pour mettre en service la première ligne dès 2027, l’entreprise britannique prévoit un méga-projet impliquant plusieurs entreprises qui fera de sa ligne d’interconnexion entre le Maroc et le Royaume-Uni, la plus longue ligne électrique sous-marine du monde.
Chiffré à 22 milliards de dollars, le projet envisage de construire sur 1500 km2 dans la région de Guelmim Oued Noun, un parc solaire et éolien qui devrait fournir à terme 3,6 GW d’électricité. Sur cette surface foncière déjà octroyée par l’État marocain, Xlinks entend installer près de 12 millions de panneaux solaires et 530 éoliennes.
Adossé à l’installation d’une batterie de 5 GW pour stocker l’énergie, ce parc permettrait d’injecter 10,5 GW d’électricité dans le réseau du Royaume-Uni, ce qui est suffisant pour assurer 8% de la demande intérieure et alimenter 7 millions de foyers britanniques. L’électricité ainsi produite dans le désert sera acheminée du Maroc vers le Royaume-Uni via un système de 4 câbles sous-marins HVDC de 3800 km chacun, prévues en eaux profondes et qui devront traverser l’Espagne, le Portugal et la France.
Des inquiétudes et des doutes
Malgré ces chiffres mirobolants, le gouvernement britannique s’inquiète des déperditions d’énergie lors du transfert de l’électricité entre les deux royaumes, qui pourrait la rendre moins compétitive que celle produite dans une centrale nucléaire. « Tant que vous pouvez garantir une énergie renouvelable en continu 20 heures par jour, cela devient presque comme le nucléaire. Vous l’allumez et vous avez de l’électricité« , s’est inquiétée une source du gouvernement britannique.
Des inquiétudes qui ne semblent pas ébranler la confiance de Xlinks en son projet sans précédent. A l’appui de son ambition, la société britannique indique que le site choisi bénéficie d’une exposition de 3 500 heures d’ensoleillement par an, contre 1 500 heures annuelles en Grande-Bretagne. Sans fournir de chiffres précis, Xlinks indique que la région de Guelmim Oued Noun serait aussi bien exposée aux vents pendant toute l’année, ce qui garantirait une production et un approvisionnement quasi-constants en électricité.
« C’est un site absolument parfait pour installer des panneaux solaires. Et la ressource éolienne est aussi bonne que nos éoliennes offshore mais beaucoup plus cohérente car elle a des courants de convection quotidiens qui se lèvent chaque après-midi, soufflent le soir et la nuit et redescendent le matin« , plaide pour sa part Simon Morrish, le PDG de Xlinks.
Et pourtant, une longue enquête publiée par TelQuel est revenue sur les acteurs clés, les défis et le coût techniques du projet, sans préjuger de sa réalisabilité. Les experts interrogés par nos soins déploraient la faiblesse du taux d’intégration locale, mais aussi du transfert de technologie. Certains experts faisaient même remarquer un taux de déperdition de 12 % durant le transfert électrique.
Mais Xlinks ne semble pas sourciller : elle prévoit la mise en service de la première ligne d’interconnexion électrique entre les deux royaumes en 2027. Les trois autres câbles suivraient deux ans plus tard, en 2029. L’échéance semble de plus en plus se rapprocher pour confirmer ou infirmer ses doutes.