Crise alimentaire : trois questions à un économiste de la FAO

Hausse record des prix des produits alimentaires, accélération de l'inflation, propagation de la famine dans plusieurs régions du monde…Une crise alimentaire semble se profiler à l’horizon. Dans un entretien à la MAP, Upali Wickramasinghe, économiste à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), évalue la situation, en explique les raisons et propose des solutions à court et à moyen terme.

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Récolte de blé dans la région de Chernihiv, à 120 km au nord de Kiev, le 5 juillet 2019. Crédit: Anatolii Stepanov / AFP / FAO

Comment évaluez-vous la situation alimentaire actuelle ?

Upali Wickramasinghe : Les tendances récentes en matière d’insécurité alimentaire sont alarmantes. L’Indice FAO des prix des produits alimentaires s’est établi à 159,3 points en mars 2022, son plus haut niveau depuis sa création en 1990. Blé, produits laitiers et huiles végétales sont en particulier concernés.

L’indice FAO, qui agrège les prix sur les marchés internationaux de plusieurs denrées de base (céréales, sucre, viande, produits laitiers…), a déjà grimpé de plus de 28 % en 2021.

Cette nouvelle hausse s’explique par les niveaux historiques atteints par les sous-indices des huiles végétales, des céréales et de la viande et par l’augmentation, elle aussi considérable, de ceux du sucre et des produits laitiers.

Ces chiffres s’inscrivent dans un panorama déjà préoccupant où près d’une personne sur dix souffre de la faim, et un tiers de la population mondiale n’a pas accès de façon régulière à une alimentation adéquate.

L’impact pourrait particulièrement se ressentir aux niveaux de certains pays déjà menacés par l’insécurité alimentaire, notamment le Congo, le Nigeria, la Somalie, l’Afghanistan et le Yémen.

Comment expliquez-vous cette tendance haussière ?

Le conflit en Ukraine a exacerbé l’insécurité alimentaire à travers le monde. La Russie et l’Ukraine réalisent ensemble près de 30 % des exportations mondiales de blé et près de 80 % des exportations mondiales d’huile de tournesol, d’où la perturbation des chaînes d’approvisionnement alimentaire.

Au-delà de cette guerre, une combinaison de facteurs ont mené à cette situation. A cause de la crise sanitaire, il est devenu difficile pour les migrants de franchir les frontières, ce qui a limité la main-d’œuvre, l’un des principaux acteurs de la production.

La volatilité des prix du pétrole et du gaz est également largement responsable des hausses des prix. L’agriculture est, en effet, une activité énergivore. La flambée des factures énergétiques a fait grimper les coûts de transport mais aussi des engrais.

Des aléas climatiques sont, en outre, intervenus dans différents pays producteurs et ont réduit les récoltes, notamment la Niña, ayant pour origine une anomalie thermique des eaux équatoriales de surface de l’océan Pacifique centre et caractérisée par une température anormalement basse de ces eaux.

Ce phénomène rend certaines régions extrêmement humides et d’autres extrêmement sèches, ce qui impacte la production agricole.

Quelles solutions pourraient être envisagées ?

Il faut agir en urgence et d’une manière efficace afin d’éviter des répercussions dévastatrices menant à une sérieuse crise alimentaire.

La communauté internationale doit accroître son engagement politique et adopter de nouvelles approches, afin de remédier à la fragilité des systèmes agroalimentaires mondiaux, de favoriser le développement rural et de restaurer les équilibres.

La FAO recommande d’améliorer les mesures de biosécurité dans les pays limitrophes de l’Ukraine afin de réduire au minimum la propagation de la fièvre porcine africaine et d’autres maladies animales et de renforcer la transparence des marchés et du dialogue sur les politiques, en vue de réduire au minimum les perturbations et de garantir leur fonctionnement ininterrompu et la régularité des flux commerciaux de produits alimentaires et agricoles.

(Avec MAP)

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