Que pense la classe politique des jugements prononcés contre les détenus rifains ?

Telquel.ma a recueilli les réactions des dirigeants des principaux partis politiques marocains, suite à la condamnation des 53 détenus du Hirak à Casablanca à de lourdes peines de prison. Au sein de l'Exécutif, le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani et le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme sont les seuls à avoir réagi au jugement du 26 juin.

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Montage TelQuel

Saad Eddine El Othmani : chef du gouvernement

« Je ne souhaite qu’aucun Marocain n’aille en prison, je souhaite la liberté et une vie digne pour tout le monde. La justice est indépendante du gouvernement (…) et il faut attendre la phase d’appel qui fait partie du processus judiciaire. »

Mustapha Ramid : ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme

Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des libertés
Mustapha Ramid. © DRCrédit: DR

« Les jugements rendus dans le cadre des événements d’Al Hoceima semblent ne pas avoir reçu l’approbation d’un large public. Mais ils restent des jugements rendus par le pouvoir judiciaire qui ne peuvent être contestés. Seuls, ceux qui ont consulté tous les éléments du dossier, suivi directement l’affaire et écouté les discussions et plaidoiries peuvent porter une appréciation juste ».

« En cas d’appel, il est de notoriété publique que l’affaire sera réexaminée devant la juridiction pénale, composée de cinq juges présumés plus indulgents et plus expérimentés que leurs collègues de première instance. Ceci renforcera la confiance dans la justice et permettra une nouvelle réconciliation avec les habitants de la région.  »

Souleimane El Amrani : vice-secrétaire général du PJD, député de Khouribga

Souleimane El Amrani © DRCrédit: DR

« Les verdicts n’ont été rendus que mardi soir et la direction du PJD doit encore se réunir. Une fois réunis, nous allons inévitablement nous arrêter sur cette affaire. Nous devons d’abord reconnaître que nous respectons les dispositions du pouvoir judiciaire en tant qu’autorité constitutionnelle indépendante, quelles que soient nos estimations ou positions sur certains jugements. »

« Il ne fait aucun doute que les jugements en première instance, émis hier, contre les activistes du Hirak du Rif  n’interpellent pas qu’une seule partie. Chacun devrait, de son emplacement, en déduire ce qu’il faut. »

Aujourd’hui, encore plus qu’hier, il semble que notre pays a besoin de renforcer la confiance dans son système judiciaire. Nous devons aussi  soigner notre image après tout ce qui s’est passé dernièrement. Nous avons encore confiance dans le pouvoir judiciaire dans la phase d’appel et espérons qu’il corrigera ce qui a été négativement enregistré en première instance. »

Hakim Benchamach : secrétaire général du PAM, président de la chambre des Conseillers

Hakim Benchamach © Rachid Tniouni/TELQUEL

« Le PAM croit en l’indépendance du pouvoir judiciaire et en la nécessité de renforcer son rôle dans la protection des droits et des libertés. Mais, le parti exprime son profond regret à l’égard des peines prononcées contre les détenus dans le contexte des manifestations du Rif. Nous les considérons trop sévères et non conformes avec ce qu’a pu accumuler notre pays dans le domaine des droits de l’homme. »

« En tant que citoyen qui a déjà connu les souffrances des prisons, je prie pour les familles des condamnés et espère qu’elles sauront faire preuve de patience. Le PAM est fier d’appartenir à cet héritage symbolique d’équité et de réconciliation et soulève l’attention sur la responsabilité partagée dans l’envenimement du climat qui nous a conduits à des jugements aussi sévères. »

« Cela a commencé par les excès et les abus qui ont causé des dommages aux biens et à certains membres des forces de l’ordre qui ont seulement accompli leur devoir. Mais, aussi, avec certains écarts de conduite qui ont failli faire sortir les manifestations du cadre des revendications économiques et sociales, pour les placer dans des règlements de compte politiques. C’est aussi l’échec de tous les partis devant remplir leurs responsabilités et leurs devoirs dans l’encadrement et la communication avec la population. »

« En conséquence, le PAM souligne la nécessité urgente de tirer des leçons sociales du Hirak et invite tous les acteurs à s’engager fortement dans la promotion de la réforme et du développement durable en élaborant les politiques publiques nécessaires. »

Driss Lachgar: premier secrétaire de l’USFP

Driss Lachgar © Yassine Toumi/TELQUEL

« Il ne peut y avoir de réactions sur la justice ou sur ses décisions. Le droit de faire appel a été octroyé par le pouvoir judiciaire à tous ceux qui prétendent ne pas avoir enfreint la loi. Pour ma part, je n’ai jamais livré de position politique sur des probabilités. Et en tant qu’avocat, je n’ai défendu aucune partie au cours de ce procès. D’ailleurs, un avocat sérieux ne donne pas ses impressions sur une affaire sans être au fait de tout ses détails. »

« L’USFP n’a pas encore débattu sur ces jugements prononcés. Comme d’ordinaire, nous nous concerterons et rendrons publique notre position après discussion. Je ne peux exprimer l’avis d’un parti reconnu comme étant une institution et qui n’a pas encore abordé le sujet au cours d’une réunion. »

« Mais il faut que je rappelle que le nouveau secrétaire général d’un grand parti politique marocain, a récemment fait à Fès une déclaration qui aura sans doute un impact sur la suite des événements d’Al Hoceima (Hakim Benchamach du PAM avait évoqué – entre autres – le 24 juin des « erreurs » de son parti dans le cadre du Hirak du Rif, ndlr)  »

Adil Benhamza : membre du Conseil national de l’Istiqlal

Adil Benhamza © Rachid Tniouni/TELQUEL

« Les partis politiques doivent prendre position sur tout ce qui se passe, compte tenu de la situation que vit actuellement le Maroc et de l’état de tristesse et de pessimisme qui prévaut depuis l’annonce des peines contre les détenus du Hirak du Rif. »

« Le pouvoir judiciaire n’a pas pris ses distances. Il a choisi d’émettre des jugements qui vont dans le sens de l’approche sécuritaire adoptée pour contrer les revendications du Hirak, à un moment où le roi Mohammed VI a exempté un certain nombre de responsables de leurs fonctions et a puni d’autres sur le même fond de dossier. »

« La direction de l’Istiqlal doit prendre l’initiative et appeler à un Conseil national extraordinaire pour discuter des jugements à l’encontre des activistes du Hirak du Rif. Ceci reste conforme au rôle que doivent jouer les organismes politiques, en interaction avec des événements similaires. »

Nouredine Mediane : député Istiqlal d’Al Hoceima, membre du Comité exécutif du parti

Nouredine Modiane © Rachid Tniouni/TELQUELCrédit: DR

« Tout cela ne présage rien de bon. L’appel à la tenue d’une session extraordinaire du Conseil national est légitime. C’est ce qui doit être fait par tous les  partis honorables, car la nature des jugements n’impose pas seulement la tenue de réunion, mais aussi la prise de décisions politiques. »

« Aujourd’hui, les Marocains ne sont pas informés des crimes commis par les activistes du Hirak et ne savent pas si les jugements émis sont proportionnés par rapport à ces crimes. Certains se sont même permis de dire que l’emprisonnement pour 20 ans équivaut à une peine de mort… »

 

Omar Balafrej: député FGD d’Agdal-Riad, membre du bureau politique du PSU

Omar Balafrej. Crédit : DR

« Depuis Bruxelles où je participe à un débat sur l’état de la démocratie dans le monde, toutes mes pensées vont en ce moment aux 53 militants condamnés et à leurs familles.

Le soir du verdict, le député de la FGD a réagi sur sa page Facebook avec un message lapidaire : « Vous n’avez qu’à tous nous emprisonner. »

Nabil Benabdallah : secrétaire général du PPS, ex-ministre de l’Habitat de l’Urbanisme et de la Politique de la ville

Mohamed Nabil Benabdallah © Yassine Toumi/TELQUELCrédit: Yassine Toumi / TelQuel

« Comme c’est le cas pour de nombreux Marocains, nous avons été interpellés par les décisions judiciaires sévères contre les activistes du Rif. Tout en respectant l’indépendance du pouvoir judiciaire, nous considérons que ces dispositions ne contribueront pas à détendre l’atmosphère dans notre pays, et nous espérons vivement que tous les moyens juridiques et judiciaires possibles seront appliqués pour insuffler un souffle démocratique nécessaire à la vie politique nationale. »

 

Khalid Naciri : ancien Porte-parole du gouvernement, membre du bureau politique du PPS

Khalid Naciri © Yassine Toumi / TELQUELCrédit: Yassine Toumi / TelQuel

« On a tenu notre dernière réunion hier après-midi, avant le prononcement du verdict. Au niveau du parti, il va falloir qu’on prenne une position collective plutôt que d’avoir des avis individuels. »

« Les peines sont incontestablement lourdes. On aurait pu s’attendre à autre chose, mais on aura une position plus circonstanciée ultérieurement. »

« Normalement, les condamnés devraient aller en appel. C’est une possibilité juridique. Ne pas l’utiliser n’aurait aucun sens. Mais il faut également savoir quelle latitude leur offre le Code de procédure pénale. »

 

Mohamed El Yazghi, ancien ministre et ancien premier secrétaire de l’USFP

Mohamed ElyazghiCrédit: Tniouni/Telquel

« J’ai été choqué par les peines prononcées contre les activistes du Hirak du Rif. Ce n’est pas ce qui était prévisible pour moi. Je pensais que les peines allaient être légère, voire symboliques« .

« Ce sont des activistes qui ont toujours cru en le caractère pacifique de leur mouvement. Ils sont loin des accusations qui leur ont été collées comme l’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat« .

« J’espère qu’il y aura une grâce royale. Après les verdicts, seule une intervention du roi est capable de clore ce dossier et mettre fin aux souffrances des détenus et de leurs familles« .

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