Plus à gauche que la gauche

Par Yassine Majdi

Quelle mouche a encore piqué la gauche française concernant le Maroc ? La question mérite d’être posée à la lumière des récentes prises de position de cette composante du champ politique français. L’été dernier, déjà, le Parti socialiste et le Parti communiste français avaient enchaîné communiqués et déclarations condamnant la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France. Cette semaine, un député de La France Insoumise, proche de Jean-Luc Mélenchon, n’a pu s’empêcher de revenir sur le sujet du Sahara, critiquant encore une fois la décision d’Emmanuel Macron, sous les applaudissements des membres de son groupe parlementaire, alors qu’il reprochait à son gouvernement sa gestion de la crise avec… l’Algérie.

Il faut toutefois relativiser l’importance de ce phénomène. Le poids de la gauche en France et dans de nombreux pays européens s’est fortement amoindri. Mais l’un de ses leaders se positionnera forcément en vue des élections présidentielles de 2027. Et il serait opportun de pointer les incompréhensions, et surtout les incohérences de ces prises de position.

Car le Maroc, dans sa région, reste à la pointe des sujets et des idées prônés par la gauche. Egalité hommes-femmes, changements climatiques, décarbonation de l’industrie, couverture médicale, revenu minimum, filets sociaux, réforme de l’éducation… autant de combats que mène le royaume et qui devraient pousser cette gauche, si elle était cohérente avec les valeurs qu’elle promeut, à soutenir notre pays ou au moins à faire preuve de neutralité. Or, c’est au contraire que nous assistons.

Sur le plan sociétal, le royaume se montre résolument progressiste, avec deux réformes du Code de la famille entamées en l’espace de deux décennies. Réformes qui, loin d’être idéales, ont cependant permis d’améliorer progressivement le statut des femmes marocaines. Un combat normalement de gauche.

Le Maroc a adopté une politique pionnière dans le domaine de l’énergie que ne pourraient pas renier les écologistes. Une politique volontariste dans le domaine des énergies renouvelables avec des investissements majeurs dans l’éolien et le solaire et la décarbonation de l’industrie. Encore un combat de gauche.

Dans le domaine de la santé, la réforme initiée par Mohammed VI a permis l’extension de la couverture maladie à presque 30 millions de nos concitoyens. Elle s’accompagne d’une généralisation des allocations familiales et de la mise en place d’une indemnité pour perte d’emplois. Des politiques fortement de gauche, même si certaines d’entre elles suscitent des inquiétudes légitimes quant à leur viabilité à moyen et long termes.

La gauche française gagnerait à faire rapidement une mise à jour de ses grilles de lecture: dans le Maroc, elle pourrait bien découvrir un partenaire fiable, qui fait avancer les valeurs dont elle se réclame

Yassine Majdi

Fruit du Nouveau modèle de développement, la réforme de l’enseignement initiée par Chakib Benmoussa s’inscrit dans la même dynamique. La mise en place d’écoles pionnières témoigne de la volonté de l’Etat de renforcer l’école publique. Une éducation de qualité pour tous favorise l’égalité des chances et l’ascension sociale. Plus social, tu meurs. Même si l’avenir de cette réforme ainsi que sa généralisation s’écrivent encore en pointillés et que les résultats commencent à peine à se faire sentir.

La gauche française n’arrive sans doute pas à dépasser certains biais qui structurent sa réflexion et son mode d’action et qui sont issus de la Guerre froide : position par rapport aux monarchies, internationale révolutionnaire, guerres de décolonisation…. Ce courant politique gagnerait pourtant à faire rapidement une mise à jour de ses grilles de lecture. Et comprendre davantage le Maroc. La gauche française pourrait bien découvrir un partenaire fiable, qui fait avancer les valeurs dont elle se réclame. Un partenaire qui a aussi, par sa diaspora, un véritable poids électoral. A bon entendeur…

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