Notre paisible contrée, au cours de son avancée vers les lumières de la félicité, se heurte de temps en temps à quelques zones de remous bien naturels, et nous nous devons de venir les commenter ici. C’est ainsi que nous progressons, collectivement, comme une noble embarcation fendant les flots de l’histoire pour écrire sa destinée, et c’est très beau. La mission du Boualem, bien entendu, c’est de documenter cette épopée, avec toute la précision dont il est capable, pour les générations futures, et merci. Le sujet du jour, donc, c’est cette réforme prévue de la Moudawana, qui déclenche sur les réseaux sociaux des convulsions numériques particulièrement sévères.
Ne comptez pas sur le Guercifi pour vous résumer les points de discorde, encore moins vous proposer la moindre opinion personnelle. Pourquoi ? Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’un sujet extrêmement technique, lourd et pénible, et la seule idée de devoir décrire les détails d’un héritage – avec l’intervention des oncles en l’absence d’un fils, ou encore les conditions de partage d’un logis familial – est une épreuve absolument incompatible avec la vocation légère de cette page guillerette.
Ne parlons même pas de cette sombre histoire d’ADN, rejetée pour une raison sans doute très valable mais aussi très incompréhensible. Vous trouverez ce type de prose ailleurs sans grand effort, il faut travailler un peu de votre côté, et merci. Quant aux opinions, il y a en a suffisamment en circulation dans la nature comme ça, il est inutile d’en rajouter une de plus que personne n’a sollicitée et qui n’influera sur rien.
“Pour celui qui invoque “la tradition musulmane” comme référentiel ultime lors du débat sur la Moudawana, la nuance, l’évolution, l’adaptation n’existent pas. On ne sait pas si sa référence c’est Damas, vers 800 sous les Omeyyades, ou la Sijilmassa almoravide”
Par contre, le Guercifi voudrait bien vous livrer ses réflexions sur la manière dont on mène le débat en cours, car il est fascinant. A force de lire ce qui s’écrit sur le sujet, la conclusion du Boualem est claire : nous avons dans la tête une très étrange conception de qui nous sommes. Dès qu’un internaute évoque la religion ou la tradition, il se produit deux phénomènes. Le premier, c’est qu’il a automatiquement raison, même s’il a tort. Il a aussi le droit d’insulter tout le monde, et personne n’osera le contredire. Le second, c’est qu’il peut inventer ce qu’il veut, car personne ne sait de quoi on parle. Il est d’ailleurs important de constater que moins il en sait, plus il est sûr de lui, on connaît bien ce phénomène.
Descartes doute, le Marocain non. On ne sait pas trop si, pour lui, la référence c’est Damas, vers 800 sous les Omeyyades, ou la Sijilmassa almoravide, à moins qu’il ne se place chez les Malaisiens du 18e siècle, ou encore en Andalousie, sous la juridiction du juge Ibn Rochd à Cordoue. Il parle comme s’il y avait une seule chose : le passé islamique, figé dans le temps et l’espace, et qu’il ne fallait surtout pas s’en écarter sous peine de sombrer dans la perdition. Dans la tête de celui qui invoque “la tradition musulmane” comme référentiel ultime lors d’un débat numérique, la nuance, l’évolution, l’adaptation n’existent pas, et c’est aussi valable pour la loi, la politique, la culture…
Rien ne nous fait autant plaisir que d’inventer une tradition, et ensuite sortir les yeux pour expliquer que c’est ainsi qu’on fait depuis la nuit des temps, et que toute tentative d’évolution est une diablerie alors que tout a toujours changé, tout le temps. Telle est la contribution au débat de Zakaria Boualem, elle n’est peut-être pas d’un niveau stratosphérique, mais c’est bien tout ce dont il est capable en cette fin d’année épuisante, et merci.