Comme souvent, il revient à Mohammed VI de donner le tempo. Dans son discours du 6 novembre, le souverain a tracé les contours d’une vaste révision de l’accompagnement des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Organe de référence dans le domaine, le CCME va être réformé et renforcé par un bras opérationnel : la future Fondation Mohammadia des Marocains résidant à l’étranger. Une réforme qui suscite autant d’espoirs que d’interrogations.
En filigrane, le discours royal est aussi une critique de la manière dont nos responsables encadrent les Marocains du monde. “Des éléments du discours prononcé par Sa Majesté sont sensiblement similaires à ceux d’un autre discours royal prononcé le 20 août 2022 consacré à la même thématique. Le fait que le roi y revienne et propose un plan d’action relève de la critique implicite”, nous glisse ainsi un connaisseur du dossier.
Dans son discours prononcé il y a deux ans, le souverain avait alors insisté sur un accompagnement total de nos compatriotes résidant à l’étranger. La réforme voulue par Mohammed VI devra s’attaquer aux nombreuses problématiques auxquelles les MRE sont confrontés dans plusieurs domaines : procédures administratives, éducation, champ religieux et investissement. Elle devra aussi leur accorder l’importance qu’ils méritent dans la conception des lois et la mise en place de nouvelles politiques publiques.
Le discours royal ouvre par ailleurs la voie à la réalisation du plein potentiel économique de notre communauté résidant à l’étranger. Durant la seule année 2023, ce ne sont pas moins de 115 milliards de dirhams de transferts de devises qui viendront soutenir la consommation intérieure. Une manne financière en croissance constante qui ne prend même pas en compte les investissements effectués directement par nos MRE et qui gagneraient, eux, à être mieux répartis.
La vaste réforme lancée par Mohammed VI pourrait permettre, par exemple, de rediriger certains investissements pour le financement de plans de développements locaux ou régionaux. Tout en coordonnant l’ensemble des actions destinées aux Marocains du monde et en rationalisant une architecture caractérisée par la superposition des responsabilités entre plusieurs institutions.
Il faudra toutefois se méfier des nombreuses voix qui tenteront de se rajouter au débat, au risque d’engendrer une véritable cacophonie. Au lendemain du discours royal, certaines personnalités se sont érigées en spécialistes de la migration et de la situation des MRE. “C’est la foire ! Du jour au lendemain, des associations ont vu le jour. Certaines personnes, qui n’ont aucune connaissance sur le sujet, sont devenues des spécialistes, avec des propositions surréalistes”, témoigne notre spécialiste.
De précédentes tentatives de réformes, mal conçues, attestent de l’incapacité de certains de nos responsables à quitter le confort de leur pré carré, malgré les orientations royales
Le défi ? Assurer les conditions nécessaires à la réussite de cette réforme. Aujourd’hui, ce sont quatre instances étatiques qui se partagent la responsabilité de la gestion et du soutien de nos MRE. Seront-elles prêtes à voir leur rôle réduit à portion congrue ? “Je vois mal des institutions comme le ministère des Affaires étrangères ou la Fondation Hassan II céder sur leur prérogatives”, estime notre source. Malheureusement, de précédentes tentatives de réformes, mal conçues, attestent de l’incapacité de certains de nos responsables à quitter le confort de leur pré carré, malgré les orientations royales. Il s’agit d’ignorer les considérations individualistes pour le bien de cinq millions de Marocains. Des Marocains qui ont tellement à apporter à leurs 36,8 millions de concitoyens vivant au pays.