Cinquante milliards de dollars de financements, un million d’emplois et une coopération bilatérale renforcée autour de projets structurants devant permettre le développement et l’émergence pour près de 2,8 milliards d’Africains et de Chinois durant les trois prochaines années. Le discours prononcé par le président chinois Xi Jinping à l’occasion de l’ouverture du FOCAC (le sommet Chine-Afrique) contient des annonces fortes, porteuses d’opportunités pour les 50 pays africains représentés lors de cet évènement.
Parmi eux, le Maroc. Aziz Akhannouch et Nasser Bourita se sont tous les deux rendus à Pékin pour participer à la grand-messe diplomatique afro-chinoise. L’évènement devrait d’ailleurs constituer une nouvelle plateforme pour renforcer les liens entre le Maroc et la Chine. Les bases sont solides.
Sur le front économique, plusieurs dizaines d’entreprises venues de l’Empire du Milieu sont venues s’installer au Maroc. Tanger Tech est un témoignage d’une collaboration maroco-chinoise réussie. Le projet de gigafactory piloté par Al Mada et le géant chinois CNGR, qui sera spécialisé dans la fabrication de composants de batteries pour voitures électriques, réunit tous les ingrédients nécessaires pour devenir un autre succès. Enfin, la Chine fait partie du top 3 des fournisseurs du royaume (avec une balance commerciale par ailleurs très défavorable au Maroc).
Pour développer ses relations économiques avec la Chine, le royaume dispose d’atouts de poids : sa situation géographique et ses accords de libre-échange. L’Europe voisine mettra bientôt en place sa taxe carbone, ce qui devrait encourager de plus en plus d’entreprises chinoises à jouer la carte Maroc pour éviter une taxation trop importante de leurs produits. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis sont également liés par un accord de libre-échange avec le Maroc, accord qui peut intéresser toute entreprise chinoise souhaitant contourner toute imposition via la plateforme Maroc. C’est justement ce potentiel de développement et de synergie qui constitue l’un des plus gros atouts de la relation Maroc-Chine.
Si le soleil brille sur le plan économique, les choses sont toutefois plus nuancées sur le plan politique. La visite effectuée par Mohammed VI à Pékin en 2016 a posé les jalons qui ont permis le développement des liens économiques entre les deux pays. Depuis, rien – ou si peu de choses– ne s’est passé sur le front politique, et ce malgré l’adhésion du Maroc à la Belt and Road Initiative (Nouvelle route de la soie), la participation du royaume aux sommets organisés par la Chine et, plus fort encore, le refus de condamner Pékin sur le dossier des Ouïghours. Le royaume adhère également à la politique de la “Chine unique” et ne reconnaît donc pas Taïwan.
“Les récentes sorties chinoises sur le Sahara semblent davantage relever d’un geste envers Alger, un partenaire traditionnel, et aussi d’une opposition farouche aux Etats-Unis”
Côté chinois, les choses vis-à-vis du Maroc sont plus complexes. Officiellement, la Chine soutient le processus onusien pour le Sahara en espérant qu’il débouche sur une “autodétermination”. Pas de quoi gêner le royaume, qui estime que l’autonomie est une forme d’autodétermination. Les récentes sorties chinoises sur le sujet semblent davantage relever d’un geste envers Alger, un partenaire traditionnel, et aussi d’une opposition farouche aux Etats-Unis.
La politique étrangère chinoise est guidée par ce qui est appelé les “cinq principes de la coexistence” : la non-agression mutuelle, la non-ingérence dans les affaires internes, l’égalité et le bénéfice mutuel, la coexistence pacifique, et surtout… le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. Lorsqu’il s’agit du Maroc, la Chine respecte quatre de ses cinq principes. Il revient à nos diplomates d’utiliser nos atouts économiques, notamment, pour faire la passe de cinq et ainsi décomplexifier le casse-tête chinois.