Rien de nouveau sous le soleil marocain. L’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) vient de publier une étude de terrain accablante sur la prégnance de la corruption dans notre pays. En cinq ans, le Maroc a perdu 5 points dans l’Indice de perception de la corruption, trustant la 94e place sur 180 pays, derrière le Botswana et le Cap Vert. Une chute de 21 places depuis 2018. Le sondage mené par l’INPPLC auprès de milliers de citoyens et d’entreprises, indique que globalement une écrasante majorité de Marocains estiment que la corruption est largement répandue.
Ce fléau indécrottable poursuit son petit bonhomme de chemin sans être inquiété outre mesure. Pourtant, sous Abdelilah Benkirane, puis sous Saâd-Eddine El Othmani, une stratégie nationale de lutte contre la corruption avait été mise en place. Elle comprenait 239 mesures organisées en 10 programmes, et était dotée d’un budget de 1,8 milliard de dirhams. Cette feuille de route prévoyait des actions ciblées sur la gouvernance, la prévention, la sensibilisation, la répression, etc.
Las, il n’en reste plus de trace. Depuis l’avènement du gouvernement Aziz Akhannouch, le sujet a disparu des radars. La décision prise par le ministre de la Justice actuel, en novembre 2021, de retirer le projet de loi relatif au Code pénal, dont ce fameux article sur l’enrichissement illicite des élus et fonctionnaires, reflète un manque d’urgence assumé autour de ce dossier.
Cela fait plus de deux ans que le Code pénal est en chantier, privant la lutte anticorruption d’un cadre légal opérationnel. L’INPPLC, dirigée par un ancien de Transparency Maroc, Bachir Rachdi, est régie dorénavant par une loi qui lui confère un large pouvoir d’enquête et la capacité de s’autosaisir d’affaires remontées par la presse ou par des lanceurs d’alerte. Or, pour le moment, l’Instance n’a pas exercé cette prérogative.
La dernière grande affaire de corruption, celle impliquant le directeur de la conservation foncière de Marrakech, date de 2020. Depuis, le ministère de l’Intérieur épingle certes des élus ici et là pour avoir mis les mains dans le pot de confiture. Mais cela demeure sporadique au regard de la généralisation du mal dans l’organisme Maroc. Le plus étonnant, c’est qu’en dépit d’un gros effort consenti par l’État dans la dématérialisation des procédures administratives, censée en principe diminuer les interactions entre les citoyens et les fonctionnaires, la corruption ne donne aucun signe de reflux.
Tout porte à croire que la bataille contre la corruption ne fait pas partie des priorités de ce gouvernement
À l’heure actuelle, le topo est déplorable : une plongée continue du pays dans les classements de Transparency International, l’absence d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption, et une INPPLC certes déterminée dans le verbe, mais jusqu’ici impuissante sur le terrain des réalités. Certes, un projet de loi sur les conflits d’intérêts est en cours d’élaboration. Mais fallait-il attendre 2023 pour s’y attaquer sachant que ce phénomène est quasi endémique ? Tout porte à croire que la bataille contre la corruption ne fait pas partie des priorités de ce gouvernement, ni de ceux qui l’ont précédé, encore que sous El Othmani et Benkirane, un semblant de stratégie donnait le change.
Pourtant, le Maroc, engagé dans de multiples chantiers sociaux et structurants, aurait bien besoin des 5 points de PIB dévorés chaque année par la corruption. Ce serait autant de financement en moins que les officiels sont contraints de solliciter à l’étranger pour couvrir nos investissements. Mais il faut croire que les priorités sont ailleurs…