La COP du cynisme

Par Fatym Layachi

Le mois de décembre débute avec des températures supérieures aux moyennes de saison, comme on dit dans les bulletins météo. L’hiver est censé débuter dans quelques jours mais le froid ne semble pas vraiment pressé d’arriver. Tu as du mal à envisager de porter des gros pulls. Le ciel est plutôt bleu.

La pluie se fait attendre. Elle se fait craindre aussi. Le mois dernier, il y a eu de très fortes pluies accompagnées d’inondations causant de terribles dégâts et transformant certains quartiers dans plusieurs villes en piscines géantes. Et apparemment, selon des gens très sérieux qui mènent des recherches tout aussi sérieuses publiées dans le non moins sérieux Journal of Climate, ces “pluies extrêmes seront de plus en plus fortes et de plus en plus fréquentes”.

Et tout cela serait dû au réchauffement climatique. La planète a l’air de plus en plus déréglée et ça semble de plus en plus normal. Ou du moins, il est de plus en plus normal de trouver ça acceptable. Toi, tu ne sais pas s’il faut s’y habituer ou tenter de le combattre, mais le réchauffement climatique est bel et bien là. Entre ceux qui disent qu’il faut agir sur les causes et ceux qui prétendent qu’on peut se contenter d’agir sur les effets, tu n’es pas sûre de tout comprendre.

Et tu ne peux pas dire que la COP 28 qui vient de débuter soit vraiment enthousiasmante ou prometteuse. D’ailleurs, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas exactement au centre des actus. Ou alors pour être critiquée. Le simple fait que la Conférence des Parties sur les changements climatiques de l’ONU se tienne à Dubaï est déjà, en soi, un peu incongru.

Toi, tu trouves que la phrase est presque un oxymore. Mais bon, tu te dis aussi qu’on n’est jamais à une contradiction près dans ce monde, ni même à une aberration près. Donc, cette COP a lieu dans un pays pas exactement engagé pour le climat et qui ne semble pas prendre vachement soin de l’environnement, et encore, tu aimes les euphémismes. Un pays surclimatisé où l’on peut skier dans un centre commercial et dont le bilan carbone est de 26 tonnes en moyenne par an et par habitant.

« Il y a aussi quelques bizarreries de forme. Comme par exemple le fait que la COP 28  soit présidé par le PDG d’une des principales compagnies pétrolières de l’émirat »

Fatym Layachi

Outre ce léger manque de cohérence de fond, ou ce goût prononcé pour les paradoxes, il y a aussi quelques bizarreries de forme. Comme par exemple le fait que cet évènement soit présidé par le PDG d’une des principales compagnies pétrolières du pays. Ça aussi, c’est pour le moins incongru comme choix de gouvernance. A moins que tu n’aies pas du tout compris certains trucs, l’industrie pétrolière n’est pas réputée pour sa contribution à la sauvegarde de la planète.

A priori, le pétrole n’est pas vraiment le truc le plus écolo du monde, mais là aussi, visiblement, il y a d’autres enjeux. Certains médias vont même jusqu’à insinuer que le monsieur aurait profité de sa fonction de président de la COP pour faire avancer des affaires pétrolières et gazières entre les Emirats et plusieurs gouvernements étrangers, et ainsi signer de juteux contrats pendant les réunions de préparation à la conférence. Les équipes de la COP ont seulement argué que “les réunions privées sont justement privées”. C’est effectivement imparable.

De son côté, le monsieur se défend aussi en posant une question rhétorique : “Pensez-vous que les Émirats arabes unis ou moi-même ayons besoin de la COP ou de la présidence de la COP pour établir des accords ou des relations commerciales ?” Si ce n’est imparable, c’est au moins cynique. Tu ne sais pas du tout s’il y a un potentiel conflit d’intérêt mais ce qui est sûr, c’est qu’il doit forcément y avoir de gros intérêts en jeu. De gros intérêts que tu ne vas même pas essayer de comprendre.