Mohamed Ziane, 79 ans, a été arrêté et envoyé à la prison d’El Arjat dans l’après-midi du lundi 21 novembre. Il y a neuf mois jour pour jour, l’ancien ministre a été condamné à trois ans de prison ferme par le tribunal de première instance de Rabat. Une peine de premier ressort adossée à une amende de 5 000 dirhams, un dirham symbolique pour l’État marocain, et 100 000 dirhams pour la partie civile de son procès. L’exécution de la décision de justice rendue ce lundi par la Cour d’appel de Rabat fait suite à une plainte du ministère de l’Intérieur.
Le 23 février dernier, la juridiction a en effet retenu pas moins de 11 chefs d’accusation contre l’avocat et ancien patron du Parti marocain libéral (PML), dont ceux d’« insulte au pouvoir judiciaire et à ses agents à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions», « outrage à des corps constitués », « publication de déclarations dans l’intention d’influencer les décisions de la justice avant de rendre un verdict sans appel », « outrage aux décisions de justice », « diffamation », « adultère » ou encore d’« harcèlement sexuel ».
Une affaire qui remonte à deux ans
Avocat des militants du Hirak, puis des journalistes Taoufik Bouachrine et Souleimane Raissouni, le gendre d’Ahmed Reda Guedira, ancien homme fort du régime de Hassan II et ami intime du défunt monarque a multiplié les sorties médiatiques ces cinq dernières années. Fin 2020, ses accusations de « trucage » d’une vidéo le montrant en compagnie d’une de ses clientes dans une chambre d’hôtel ne passent pas. Et pour cause, Ziane avait porté le patron de la DGSN Abdellatif Hamouchi pour « responsable du montage » de l’extrait en question. D’où la plainte diffusée à son encontre, début 2021, par le ministère de l’Intérieur.
Au cours de cette période, le natif de Malaga a également accordé plusieurs interviews aux médias étrangers, notamment espagnols. Des tribunes où ce dernier ciblait de hauts responsables sécuritaires du royaume. Publié dans la soirée du lundi 21 octobre, un communiqué du procureur général du roi près la cour d’appel de Rabat affirme que l’incarcération de Ziane répond aux exigences des articles 392 et 414 du Code de procédure pénale. A contre-sens, son fils et avocat, Ali Reda Ziane, soutient à l’AFP que l’intéressé « n’a pas été notifié légalement de sa condamnation », ajoutant au passage que son père/client « n’a jamais comparu » pour les accusations portées contre lui le 23 février dernier.
Secrétaire de Mohamed Ziane et témoin de sa mise en arrestation dans son bureau du boulevard Allal Benabdallah à Rabat, Loubna El Fallah a déclaré lundi soir sur sa page Facebook que l’avocat « était au travail comme à son habitude, malgré les appels qui affluaient vers nous, selon lesquels le bâtonnier serait arrêté ». Elle avance également avoir consulté le site mahakim.ma pour « s’assurer de la véracité » de cette nouvelle.
Pas au courant ?
Dans sa version des faits, la même assistante a indiqué que le principal concerné « exécutait sa prière d’Al Maghrib » lorsqu’un « groupe d’hommes en civil est venu le chercher ». Loubna El Fallah ajoute que ces derniers ont refusé de répondre aux questions des collaborateurs de Me Ziane présents sur place. « Le bureau était bondé d’hommes en civil, j’ai essayé de les compter, sans succès […] car leur nombre dépassait les vingt personnes », estime la secrétaire, non sans réclamer « la libération » de Ziane.
Pour sa part, le Comité national de soutien aux détenus d’opinion et aux victimes de violation de la liberté d’expression s’est dit « profondément choqué » par l’arrestation jugée « arbitraire » par ses signataires. L’organisme constitué de plusieurs activistes des droits de l’homme considère que le procès en appel de l’ancien ministre « s’est tenu en une seule session au cours de laquelle il (Mohamed Ziane, ndlr) n’a pas eu l’occasion de se défendre, car le tribunal n’a entendu ni ses propos, ni ceux de sa défense ».
Autre acteur associatif, l’Organisation marocaine de lutte contre la corruption et de protection de l’argent public a également exprimé sa solidarité avec l’avocat. Son arrestation « a eu lieu en violation flagrante du Code de procédure pénale, de la Constitution et des pactes internationaux » d’après l’ONG.