Législatives françaises : Mehdi Reddad, horizon député

Le candidat franco-marocain s’est lancé dans la course à la députation dans la circonscription du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, en misant sur une campagne originale. Sur les traces de Saint-Exupéry, de Tarfaya à Dakar, Mehdi Reddad se rêve député local incarnant une portée diplomatique nationale. Reportage.

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Tout sourire, Mehdi Reddad écoute le message vocal de sa boucle Telegram.

Dans la course à la députation dans la circonscription du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, Mehdi Reddad est allé de Tarfaya à Dakar sur les traces de Saint- Exupéry, qui incarne selon lui un “certain esprit français de dépassement de soi”.Crédit: DR

J’ai vu Edouard, il a hoché la tête”, lui confie un proche de l’ancien Premier ministre français, qui était avec les cadres de la majorité présidentielle quelques heures auparavant, mardi 10 mai à Aubervilliers.

Edouard, c’est Edouard Philippe. Horizons, le mouvement qu’il a lancé, en parallèle d’En Marche, a intégré une coalition de partis pour espérer une majorité à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives des 5 et 19 juin.

Mehdi Reddad est donc en voie d’être investi par Horizons. Une étiquette qu’il espère comme un atout dans la 9e circonscription des Français de l’étranger, où l’imbroglio parmi les candidats est encore palpable. A moins de deux semaines de l’ouverture des votes pour le 1er tour par Internet, la majorité présidentielle n’a pas encore su (ou voulu) trancher pour investir un seul représentant.

Le député sortant, M’jid El Guerrab, soutien de la majorité, n’a logiquement pas obtenu le précieux sésame, lui qui a été condamné en première instance, jeudi 12 mai, à trois ans de prison, dont un ferme et deux d’inéligibilité, pour l’agression, en 2017, d’un cadre du Parti socialiste.

Pas plus pour l’instant qu’Ahmed Edarraz, réputé proche de Brigitte Macron, ou Rachida Kaaout, élue d’Ivry-sur-Seine. Dans ce brouhaha, le nom de Zineb El Rhazoui, ancienne journaliste au Maroc puis chez Charlie Hebdo en France, écrivaine qui flirte avec l’extrême droite, avait même été soufflé. Excepté la polémiste, tout le monde se lance donc de son côté, en affichant un simple soutien de la majorité présidentielle.

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Innover pour décoller

Mehdi Reddad, macroniste de la première heure, n’aurait pas décliné l’adoubement du président. Mais son engagement dans Horizons témoigne d’une prise de recul d’En Marche : “J’ai compris qu’on ne pouvait avoir un impact qu’à l’extérieur”, soutient-il.

Le réalisateur Franck Beugniet, qui l’accompagne, y voit un avantage : “Edouard Philippe est la personnalité politique préférée des Français”, pointe-t-il, sondage à l’appui. Le réalisateur a suivi Reddad de Casablanca jusqu’à Dakar, dans un périple en avion monomoteur qui veut retracer le parcours d’Antoine de Saint-Exupéry.

Avec ce voyage (et des arrêts à Essaouira et Tarfaya) et ses clips léchés, Mehdi Reddad veut attirer l’attention à travers le récit du consensuel aviateur qui incarne, selon lui, un “certain esprit français de dépassement de soi”.

L’entrepreneur à la tête de l’hôtel Chems de Beni Mellal, veut “être compétitif, innovant” et adapte les codes du business à la politique, pour mobiliser dans une circonscription où 88% des inscrits ne sont pas allés voter en 2017.

Le candidat s’accorde avec les électeurs binationaux rêvant d’une reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur ses provinces du sud

Outre la forme, il veut aussi se démarquer par le fond : “Dans une zone si stratégique, on ne peut pas parler que de pouvoir d’achat”, explique son proche conseiller. L’escale au Sahara n’a donc rien d’anodin pour Mehdi Reddad, qui s’accorde avec les électeurs binationaux rêvant d’une reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur ses provinces du sud.

Une diplomatie parlementaire que veut incarner le candidat et prolonger sur la route de l’Aéropostale, jusqu’au Sénégal : “Un axe Paris-Rabat-Dakar”. Le soutien oral d’Edouard Philippe à Reddad est arrivé avec la visite du candidat à Dakar, suscitant l’intérêt d’une cinquantaine de journalistes locaux pour une conférence de presse.

L’occasion pour le quadragénaire, costume deux-pièces enfilé, de développer le reste de son programme : “L’éducation c’est le sujet n°1”. Un gel des augmentations de frais pour la “Mission française”, qui doit “aussi conserver son excellence en formant des professeurs locaux”.

Vient ensuite la santé, “la carte Vitale effective pour tous les Français de l’étranger”, et l’écologie : “Je lancerai un Grenelle de l’environnement à notre échelle car je suis persuadé que les Français de l’étranger peuvent apporter des solutions innovantes”.

Touristes de la République

Les quelques Français ayant bravé les embouteillages de la métropole sont venus ensuite à la rencontre du candidat. Fréderic, qui a participé au lancement d’Horizons Sénégal, fait partie des convaincus, tels que Mankeur Ndiaye, ex-ministre des Affaires étrangères du pays, ou Rose Angèle Faye, précieux relais à Dakar.

D’autres sont plus curieux. Solène Boulard et Racine Babakar représentent l’association Français du Monde et ne cachent pas leur soutien à Karim Ben Cheikh, candidat de L’union de la gauche.

Ils créditent toutefois Mehdi Reddad de sa venue : “Avec Ben Cheikh, ce sont les deux seuls à venir au contact. Certes, le député actuel El Guerrab vient, mais pour voir les consuls”.

“Je suis à l’opposé des candidatures parisiennes, des touristes de la République qui seront repartis dès qu’ils sont élus. Moi je vis, travaille et suis élu ici”

Mehdi Reddad

Le candidat Horizons veut effectivement jouer sa carte d’implanté en Afrique : “Je suis à l’opposé des candidatures parisiennes, des touristes de la République qui seront repartis dès qu’ils sont élus. Moi je vis, travaille et suis élu ici”.

Depuis l’an dernier, Mehdi Reddad assure un mandat de conseiller des Français de l’étranger à Casablanca : “Mon job, c’est d’aider nos concitoyens dans leurs démarches administratives. Garantir l’accès aux services publics, c’est aussi ça la justice sociale”, argumente-t-il, avant d’évacuer la division droite-gauche : “Comme dirait Edouard Philippe, moi je vais tout droit !”.

Turbulences politiques

S’il assume qu’il faut “un certain culot pour s’imposer”, comme lorsqu’il s’incruste dans le restaurant parisien La Rotonde en 2017 pour fêter la victoire de Macron, Reddad dit se refuser aux attaques personnelles. Les noms pleuvent finalement : “M’jid El Guerrab n’a pas de bilan ! Les Français vont-ils vraiment voter pour un repris de justice ?

La tension se fait encore ressentir dans le camp de la majorité présidentielle. Reddad tente de se reconcentrer sur Karim Ben Cheikh, candidat de la Nouvelle Union Populaire derrière Mélenchon, ancien conseiller de l’ambassade de France à Rabat et ex-consul général à Beyrouth.

“Ils sont pour la double-taxation des expatriés. Pas moi, nous ne sommes pas des évadés fiscaux”

Mehdi Reddad

“On a déjà des diplomates ici, pas besoin d’un autre venu du Liban !”, dit Reddad du candidat Franco-tunisien, qu’il considère toutefois comme l’un des plus crédibles. Il insiste surtout sur un désaccord de fond : “Ils sont pour la double-taxation des expatriés. Pas moi, nous ne sommes pas des évadés fiscaux”.

Mehdi Reddad redécollera de Dakar, dans un avion commercial cette fois-ci. A l’horizon, quelques turbulences politiques mais une locomotion plus rassurante que le monomoteur, de son propre aveu. Ça tombe bien, il aurait détesté devoir être parachuté…