La salle n°1 du Tribunal de première instance de Settat est bondée ce mardi 14 décembre. Sur le banc des accusés, les quatre professeurs universitaires accusés de “chantage sexuel en échange de bonnes notes d’examens” font grise mine.
Des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences juridiques (dont certains ont été convoqués par le président), leur famille et plus d’une trentaine d’avocats remplissent une salle visiblement trop petite pour un tel procès. Aucune procédure de distanciation n’a été respectée au cours de l’audience.
Suite à une requête du procureur du roi, le juge a ordonné la convocation de témoins supplémentaires pour la prochaine séance, fixée au 21 puis au 28 décembre à la demande de la défense des accusés. Et pour cause, trois étudiant(e)s convoqués par le Ministère public ne se sont pas présentés à l’audience. Ils avaient pourtant répondu aux questions de la Brigade nationale de la police judiciaire avant soumission du dossier au tribunal.
L’affaire, désormais connue sous le nom de “sexe contre bonnes notes”, a publiquement éclaté en septembre dernier, quand des étudiantes de l’Université Hassan Ier de Settat ont révélé, captures d’écran à l’appui, avoir été victimes de harcèlement et de chantage sexuels.
Des accusations qui, suite à une forte mobilisation des étudiants sur les réseaux sociaux, ont donné lieu à des poursuites judiciaires. Le procureur du roi près le Tribunal de première instance de Settat a placé deux professeurs en état d’arrestation.
Deux autres professeurs sont, quant à eux, poursuivis en état de liberté, après s’être acquittés de cautions de 20 000 et 50 000 dirhams. Les chefs d’accusation retenus contre eux sont notamment “harcèlement sexuel”, “incitation à la corruption”, et “discrimination fondée sur le sexe”.
Affaire sous embargo
Pour le moment, les membres du comité de défense des quatre professeurs accusés refusent toute déclaration publique sur cette affaire
Pour le moment, les membres du comité de défense des professeurs refusent toute déclaration publique sur cette affaire, “afin de ne pas divulguer des données pouvant affecter ultérieurement le déroulement du procès”, nous déclare Me Abdessamad Khachii, un de leurs avocats, dans le hall du tribunal.
Lors de l’audience de mardi, le bâtonnier de Settat, Redouane Miftah, autre avocat des accusés, a seulement demandé “un délai suffisant pour convoquer toutes les parties, jusqu’à ce que l’affaire puisse être discutée en présence des deux parties et avec toutes les personnes convoquées par le procureur du roi”.
Lors de son plaidoyer, il a également appelé le Ministère public à “faire un effort pour s’assurer que toutes les personnes convoquées soient présentes” le 28 décembre prochain.
La défense des étudiantes qui les incriminent a également demandé un délai supplémentaire pour “préparer des réclamations en responsabilité civile”. D’ailleurs, l’une des étudiantes de la faculté s’est nouvellement constituée partie civile. Interrogé par TelQuel, son avocat, Me Kamal Laâydi du barreau de Settat, refuse lui aussi toute déclaration sur le procès.
Une crédibilité remise en question
Voulant aussi se constituer partie civile, le Réseau marocain des droits humains et de protection des fonds publics n’a pas encore reçu de confirmation du juge sur cette affaire. Le président de ce réseau, Mohamed Ammari, nous déclare à l’issue de l’audience que son intention est de “peser sur une affaire qui touche en profondeur l’enseignement supérieur au Maroc et la crédibilité des diplômes universitaires”.
Il ajoute que son réseau a “émis plusieurs communiqués d’avertissement et de dénonciation entre 2016 et 2019 sur cette même affaire”, jusqu’à ce que le dossier soit exposé à l’opinion publique, puis traité devant la justice. L’acteur associatif espère néanmoins que “toutes les conditions d’un procès équitable sont réunies”.
S’agissant de l’absence des trois étudiants qui a provoqué l’ajournement du procès, Ammari estime que “certains étudiants ayant fait leur déclaration à la BNPJ craignent que ce dossier ne dévie vers une affaire de corruption de grande ampleur au niveau de l’Université Hassan Ier de Settat”.
Les étudiants en question auraient peur de se voir impliqués dans un scandale de corruption qui remettrait aussi en cause la valeur des diplômes décernés par l’établissement.