"Mascarade", "bêtises" et polémiques, la CAF et Ahmad Ahmad sous le feu des critiques en Tunisie

Après la finale polémique, la CAF est sous le feu des critiques, principalement en Tunisie où la décision de rejouer le match ne passe pas. Derrière la polémique, le président Ahmad Ahmad cristallise ce désordre.

Par

Dans le cadre de l’enquête autour de l’affaire Tactical Steel, le président de la CAF Ahmad Ahmad avait été interpellé à Paris au mois de juin 2019, avant d’être relâché sans poursuites. Crédit: AFP

La polémique autour du match Espérance de Tunis (EST) – Wydad Casablanca (WAC)  n’est pas prête de se tarir. Au lendemain de la décision de la Confédération africaine de football (CAF) de faire rejouer la finale retour polémique, les réactions n’ont pas manqué de défrayer la chronique.

Après une réunion scrutée à Paris, tout aussi ubuesque que le moment de la finale, tant la décision a tardé, le comité exécutif de l’instance du football africain a déclaré que “les conditions de jeu et de sécurité n’étaient pas réunies lors du match retour [joué le 31 mai, ndlr] de la finale de la Ligue de champions de la CAF, empêchant le match d’arriver à son terme”. Le match sera ainsi rejoué sur terrain neutre, après la Coupe d’Afrique des nations qui se déroulera en Égypte du 21 juin au 19 juillet. Ce qui ne manque pas de susciter son flots de réaction, incessant sur le continent depuis un match aller déjà houleux, disputé à Casablanca le 24 mai (1-1).

“Mascarade” et sortie de réserve

Des réactions qui sont allés sur le terrain du politique, où l’affaire semble désormais constituer une affaire d’État en Tunisie. Suite au communiqué des autorités du football africain, le Premier ministre tunisien, Youssef Chahed, a évoqué “la mascarade de la CAF” dans un tweet acerbe. Rendant hommage “à nos forces sécuritaires” qui constituent “un modèle pour le monde”, le chef de l’Exécutif a indiqué : “Celui qui met en doute la sécurité de la Tunisie assume ses responsabilités. Je salue les supporters de l’Espérance pour leur discipline lors du dernier match, nous ne renoncerons pas à défendre les droits de l’Espérance ni ceux d’aucun autre club tunisien. Tunisiens solidaires.

Le début d’un effet boule de neige tant plusieurs personnalités politiques tunisiennes se sont indignés de la décision. Dans un statut Facebook publié dans la soirée, Hafedh Caïd Essebsi,  président du comité politique de Nidaa Tounès – principale force politique du pays – et fils du président tunisien Béji Caïd Essebsi, a dénoncé une décision “purement politique”, représentant “une insulte à la Tunisie”. Même son de cloche dans l’opposition, où Le coordinateur général de Tahya Tounes, Selim Azzab a exprimé son soutien à l’Espérance. Il a ainsi appelé le ministre des Sports, la Fédération tunisienne de football, le département de l’Intérieur et la présidence du gouvernement à “la mobilisation” pour “rendre justice à l’EST et à l’image de la Tunisie”.

قرار ال CAF بإعادة مباراة الترجي مع الوداد البيضاوي بعد منح الترجي الرياضي التونسي رسميا الكأس الافريقية برعاية وحضور…

Publiée par Hafedh Caid sur Mercredi 5 juin 2019

Les développements suivant la rencontre opposant l’EST au WAC ont  même poussé l’ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre-d’Arvor, à sortir de sa réserve. Sur Facebook,  le diplomate français à dénoncé les reproches adressés aux organisateurs de la finale. “Dire que la Tunisie n’est pas sûre, c’est un mauvais et très injuste procès. Obliger les Sang et Or à rejouer une finale gagnée chez eux et à le faire « en terrain neutre » comme si Tunis n’en était pas digne, c’est une offense faite à la souveraineté territoriale d’un grand club de football

Ce matin, l’ami Tarek, le seigneur de Dar Kamila, est franchement en colère. Noeud papillon de l’Espérance autour du…

Publiée par Olivier Poivre d'Arvor sur Jeudi 6 juin 2019

L’Esperance, justement, n’a pas mâché ses mots suite à la décision. Dans un tweet, le club a expliqué que la décision de la CAF était irrecevable, et qu’il compter se saisir du Tribunal arbitral du sport (TAS). Une autre publication mentionne que “ Au vu de cette mascarade à laquelle on assiste en ce moment, la seule décision que doit prendre cette commission c’est la dissolution du comité incompétent de Ahmad Ahmad. Du sang neuf et propre s’impose ”.

Les médias tunisiens ont également exprimé leur haro sur la CAF. Le pure-player d’actualité, Kapitalis, se montre amer en titrant un article sur “ Le scandale de la Ligue des champions : seule la CAF ignore sa propre faillite”. Il y est dénoncé “certains membres du Comité exécutif, dont son président Ahmad Ahmad, sortis comme des voleurs, par une porte dérobée pour éviter les médias” suite à la réunion parisienne. “Aujourd’hui, cette même CAF, gangrenée par la corruption de ses membres, exige que ce trophée soit rendu, ainsi que les médailles, poursuit le médias généraliste. Et d’ajouter un cinglant : Difficile de descendre plus bas dans l’indignité”.

Un autre billet dénonce des “mêmes clowns [qui] font les mêmes bêtises”. Une mention faite à Issa Hayatou, prédécesseur d’Ahmad Ahmad à la tête de la CAF, en poste de 1988 à 2017. Le ponte avait été condamné condamné à 24,5 millions d’euros d’amende pour “abus de position dominante”, en octobre 2018. Il lui est reproché d’avoir enfreint les règles de la concurrence lors de la signature d’un accord exclusif de retransmission des compétitions africaines, dont la Coupe d’Afrique des nations, avec Lagardère Sports. La négociation conclue en juin 2015 prolonge les droits au groupe français jusqu’en 2028, en retour d’une garantie de plus d’un milliard de dollars.

Le feuilleton de la CAF, un nouveau Dallas ?

Côté marocain, seul Faouzi Lekjaâ, président de la Fédération royale marocaine de football, a réagi à la décision. Le patron du football national a évoqué la nécessité de “défendre les clubs de la Botola est une nécessité pour l’instance locale”, dans une déclaration à Radio Mars. Côté politique, aucune autorité ne s’est, pour l’heure, exprimé sur la décision.

Dans tout ce capharnaüm, il est à rappeler au sujet de la décision que ni le lieu, ni la date de la finale à rejouer n’ont été convenus. L’organisation risque même de se heurter à différentes complications. Notamment en raison d’un calendrier continental très restreint. La finale devrait, selon toute vraisemblance, se dérouler après la prochaine édition de la CAN mais devra l’être avant le début de la prochaine campagne de la Ligue des champions 2019-2020 qui démarre le 9 août. Sachant que la finale de la CAN se disputera aura lieu le 19 juillet, cela signifie que la rencontre devra avoir lieu dans un laps de temps de trois semaines.

Autre incertitude, le lieu “neutre” où se déroulera la compétition. Plusieurs bruits font, pour l’heure, état de l’Afrique du sud, l’un des pays qui a voté en défaveur du Wydad lors de la réunion de l’instance à Paris. Reste que sur les réseaux sociaux, observateurs du football africains et supporters des deux côtés ont fait part de réactions, souvent sur le ton de l’humour, sur l’incroyable tournure que prend les évènement à quelques jours de l’ouverture la CAN 2019 en Egypte.

Derrière les querelles de clochers sur le plan sportif, il s’agit surtout d’une vive remise en cause de la gouvernance Ahmad Ahmad. La patron du football africain concentre toutes les critiques quant à l’organisation, le déroulé et les suites de la rencontre à Radès. Des critiques pas prête de s’arrêter, à l’image des réactions, suite à l’interpellation de l’homme dans un hôtel, ce 6 juin Paris.

D’après Jeune Afrique, le Malgache est dans le viseur de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclif) suite à  la rupture du contrat liant la CAF à l’équipementier Puma au profit de la société Tactical Steel, basée à La Seyne-sur-Mer. Un engagement d’une valeur de 1,063 million d’euros , jugé douteux et révélé par l’ancien secrétaire général de la CAF, l’Egyptien Amr Fahmy, récemment licencié par Ahmad… De quoi faire du feuilleton de la CAF, le nouveau Dallas ?