Affaire Skripal: Washington et les Occidentaux expulsent plus de 110 diplomates russes

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En solidarité avec la Première ministre britannique Theresa May, Donald Trump a ordonné l'expulsion de 60 "agents de renseignement" russes Crédit: Matt Dunham/AFP

Les États-Unis ont annoncé « la plus importante expulsion » d' »espions » russes de l’Histoire, dans le cadre de représailles coordonnées du camp occidental. Le monde est ainsi replongé au temps de la Guerre froide, après l’empoisonnement d’un ex-agent russe au Royaume-Uni, attribué par Londres à Moscou.

L’Australie s’est jointe mardi au mouvement, en annonçant l’expulsion de deux diplomates russes, portant à au moins 116 le total de ceux devant être expulsés de 23 pays, dont 16 de l’Union européenne. Moscou, qui nie être à l’origine de l’empoisonnement à l’agent innervant de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia le 4 mars à Salisbury (sud de l’Angleterre), a immédiatement dénoncé un « geste provocateur » et promis de riposter à son tour. « La Russie n’a jamais eu et n’a rien à voir avec cette affaire », a répété le Kremlin.

Washington mène, et de loin, le mouvement, avec l’expulsion de 60 diplomates russes considérés comme des « agents de renseignement » (48 dans diverses missions aux États-Unis, 12 à la mission russe auprès de l’ONU). Le consulat de Russie à Seattle, sur la côte Ouest, a également été fermé, en raison de la proximité de la plus grosse base de sous-marins nucléaires américains.

Il s’agit de la manifestation de « solidarité » américaine la plus marquée depuis l’empoisonnement attribué par Londres à la Russie, et ce malgré les réticences persistantes du président Donald Trump – qui ne s’est pas exprimé sur le sujet – à critiquer frontalement son homologue russe Vladimir Poutine.

« 1er emploi d’arme chimique en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale »

Déplorant un « grave coup à la fois quantitatif et qualitatif » à la présence russe aux États-Unis, l’ambassadeur de Russie Anatoli Antonov a estimé, sur le site d’information public Sputnik, que Washington avait « réduit à néant le peu qu’il restait encore des relations russo-américaines ». « Les États-Unis sont prêts à coopérer pour bâtir une meilleure relation avec la Russie, mais cela ne peut se produire que si le gouvernement russe change d’attitude », a commenté la Maison Blanche.

Très offensive, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, a affirmé qu’à New York, « la Russie utilise les Nations unies comme un refuge pour des activités dangereuses à l’intérieur de nos propres frontières ». Le Premier ministre australien Malcolm Turnbull a, quant à lui, estimé que l’attaque de Salisbury participait d’un « schéma de comportement dangereux et délibéré de l’État russe, qui constitue une menace croissante pour la sécurité internationale ».

Le président du Conseil européen Donald Tusk a prévenu que « de nouvelles expulsions » n’étaient « pas exclues » après cette opération «  concertée ». « Pour la première fois depuis la Deuxième guerre mondiale, une arme chimique a été employée en Europe », a souligné le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas.

La France, l’Allemagne et la Pologne ont demandé chacune à quatre diplomates russes de partir, suivies notamment par les pays baltes, la Hongrie ou encore l’Espagne. L’Ukraine, en guerre avec des séparatistes pro-russes depuis 2014, en a chassé 13, et plusieurs autres pays, membres de l’Otan pour la plupart, en ont déclaré d’autres persona non grata. L’Islande a de son côté annoncé, à l’instar de Londres, un boycott diplomatique de la Coupe du monde de football en Russie, prévue en juin-juillet.

Une solidarité « symbolique » entre les deux rives de l’Atlantique

Le Royaume-Uni, qui avait déjà expulsé 23 diplomates russes, a salué la « réponse extraordinaire » de ses alliés. Cela « constitue le plus grand mouvement d’expulsion d’agents russes de l’histoire », s’est réjoui le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson, tandis que la Première ministre Theresa May a estimé que la Russie était ainsi avertie qu’elle ne peut plus « bafouer le droit international ».

Le président américain s’était jusque-là montré moins catégorique. Son appel à Vladimir Poutine pour le féliciter de sa réélection, la semaine dernière, a même été critiqué aux États-Unis, car Donald Trump avait évité ce sujet délicat, préférant évoquer une possible rencontre pour désamorcer des tensions sans précédent depuis la Guerre froide. « Bien s’entendre avec la Russie (et d’autres) est une bonne chose, pas une mauvaise chose », avait déclaré Donald Trump, dont la promesse de rapprochement avec Moscou s’est heurtée depuis son arrivée à la Maison Blanche début 2017 à l’enquête sur des soupçons de collusion entre son équipe de campagne et le Kremlin avant son élection en 2016.

Les élus du Congrès des deux bords, qui réclament un durcissement de ton, semblent avoir eu raison de ses réticences. « Nous prenons ces mesures pour démontrer notre solidarité indéfectible avec le Royaume-Uni, et pour imposer à la Russie de sérieuses conséquences pour ses violations continuelles des normes internationales », a expliqué le département d’État américain. L’annonce a été « applaudie » par un ex-ambassadeur américain à Moscou sous la présidence du démocrate Barack Obama, Michael McFaul.

Pour Michael Carpenter, du centre de réflexion Atlantic Council, il s’agit d’un « message fort », « décuplé » par la « coordination entre les deux rives de l’Atlantique », mais « symbolique » car la Russie va répliquer du tac au tac. L’administration Obama avait expulsé 35 agents russes fin 2016 pour punir Moscou de son ingérence présumée dans l’élection présidentielle américaine, démentie par Moscou. Dans un premier temps, le président russe Vladimir Poutine avait choisi de ne pas riposter, laissant sa chance au nouveau président américain. Mais devant l’absence d’embellie dans les relations, la guerre des sanctions avait été relancée à l’été 2017.

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