On ne va pas se mentir, l’organisation d’une Coupe du Monde pour un pays comme le Maroc peut difficilement être défendue sur le volet financier. Les dépenses consenties sont pharaoniques alors que les recettes restent incertaines. Les exemples qui nous ont précédés doivent nous alarmer. Pour la Coupe du Monde de 2010, l’Afrique du Sud a dû dépenser plus de 4 milliards d’euros, alors que son PIB n’a gagné que 0,5 point la même année et que le niveau du chômage est resté inchangé les années qui ont suivi. Idem pour le Brésil, qui a dû faire face à de violentes contestations d’une population s’estimant lésée, et accessoirement à la chute d’un gouvernement par la suite. Pourquoi alors dépenser des milliards — de l’argent du contribuable — en infrastructures sportives, alors que la population a encore d’importants besoins sociaux de base ? Le Maroc sera confronté aux mêmes problématiques.
Pour 2026, le Maroc a ses chances, et au-delà des équations financières, nous voulons quand même croire aux effets positifs induits, car ils sont possibles. D’abord, la gourmandise de la FIFA a été assez contestée lors des précédentes Coupes du Monde pour que l’organisation présidée par Gianni Infantino se soucie un peu plus des retombées sur les populations et du risque des éléphants blancs, ces infrastructures budgétivores laissées à l’abandon après le show. “Le cahier des charges a évolué, il y a un volet important sur l’héritage et nous allons devoir intégrer cette question pour que notre dossier technique passe auprès de la FIFA”, reconnaît un proche du comité d’organisation marocain. Voilà pour les vœux pieux de la FIFA nouvelle ère.
En réalité, la Coupe du Monde peut être une formidable opportunité pour un pays qui a toujours besoin d’une cause, d’un objectif pour se mettre en marche. Chiche, et si nous faisions de ces huit ans à venir l’occasion de s’inscrire dans une dynamique de transformation à long terme. Pourquoi pas améliorer notre gouvernance, et lutter réellement contre la corruption, frein de taille aux retombées positives d’une Coupe du Monde sur le pays d’accueil. Au-delà du show, que peut-on gagner en soft skills, comment en profiter pour former des jeunes Marocains et développer des compétences en gestion de projets, maîtrise des coûts, communication, services… Ce serait aussi une occasion formidable de développer un vrai réseau de transports en commun et de réhabiliter nos hôpitaux. Certaines villes, aujourd’hui à la marge, pourraient voir le monde venir à elles. L’impact psychologique et émotionnel ne doit pas être non plus éclipsé au profit d’arguments financiers purs et froids. Mais si l’argument massue demeure : “Nous allons donner une belle image du Maroc au monde”, le comité d’organisation passera à côté de l’essentiel. Pour qu’il y ait adhésion populaire, il faut faire de cette Coupe du Monde un déclic et un catalyseur. Peut-être celui que nous attendons depuis plusieurs années déjà. Nous ne demandons qu’à rêver et voir nos rêves devenir réalité. Et notre pays gagner.