Face à une campagne de répression de l’armée birmane que l’ONU considère comme une épuration ethnique, une vague humaine a submergé le Bangladesh et engendré l’une des plus graves crises humanitaires de ce début de XXIe siècle en Asie.
Après plusieurs mois de pourparlers et une intense pression diplomatique internationale, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi et le ministre bangladais des Affaires étrangères A. H. Mahmood Ali ont finalement conclu jeudi un accord à Naypyidaw, la capitale birmane, sur « le retour des personnes déplacées de l’Etat Rakhine », la région de l’ouest birman épicentre des troubles.
Le texte convenu par les deux parties « stipule que le programme de retours doit débuter dans les deux mois », selon le ministère des Affaires étrangères du Bangladesh. Un groupe de travail doit être mis en place dans les trois semaines pour décider des modalités de rapatriement.
L’accord n’emploie le terme « rohingya », que refusent les autorités birmanes. Les critères de rapatriement ou le nombre des personnes concernées par ce programme ne sont pas non plus précisés. « Il s’agit d’un premier pas. (Les Birmans) reprendront (les Rohingyas). Maintenant nous devons commencer à travailler« , a déclaré le ministre bangladais à la presse.
La crise humanitaire des Rohingyas a déclenché un émoi international et fait pleuvoir une avalanche de critiques sur Aung San Suu Kyi, fustigée pour sa retenue sur ce dossier. Même les États-Unis, qui modéraient jusqu’ici leurs propos de crainte de fragiliser la jeune démocratie birmane, ont sauté le pas mercredi en qualifiant à leur tour de « nettoyage ethnique » les violences contre cette communauté.
« La position de la Birmanie est que des problèmes émergeant entre des pays voisins doivent être réglés de manière amiable à travers des négociations bilatérales« , ont fait savoir jeudi dans un communiqué les services de la dirigeante birmane. Cet accord, « fondé sur des relations de voisinage bonnes et amicales« , est une « situation gagnant-gagnant pour les deux pays« , affirme ce communiqué.
Dans le sud du Bangladesh, des camps de réfugiés rohingyas grands comme des villes sont sortis de terre en quelques semaines. Les conditions insalubres et la misère noire qui règnent dans ces cités de tentes font redouter une catastrophe sanitaire.
Interrogé à chaud par l’AFP sur l’accord entre Dacca et Naypyidaw, Abdur Rahim, un réfugié, s’est dit sceptique quant à sa réalisation pour les Rohingyas. « Nous ne retournerons pas en Birmanie tant que les Rohingyas n’obtiendront pas la citoyenneté avec tous les droits qui y sont attachés comme les autres ressortissants de Birmanie« , a déclaré cet ancien instituteur originaire du district de Buthidaung et passé en septembre au Bangladesh.Le gouvernement birman « devra nous rendre nos maisons et nos terres pour que nous puissions retourner dans nos villages« , a-t-il ajouté.
L’exode actuel des Rohingyas fait écho à d’autres afflux massifs de cette communauté au Bangladesh au cours des dernières décennies, notamment en 1978 et 1991-1992. Des programmes de retours en Birmanie ont déjà eu lieu par le passé mais la résurgence des violences soulève des questions quant à leur pérennité. Cette annonce diplomatique intervient à quelques jours de la visite du pape François dans ces deux pays. Le souverain pontife sera en Birmanie du 26 au 30 novembre puis au Bangladesh du 30 novembre au 2 décembre.
Traités comme des étrangers en Birmanie, un pays à plus de 90% bouddhiste, les Rohingyas représentent la plus grande communauté apatride du monde. Depuis que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, ils sont soumis à de nombreuses restrictions: ils ne peuvent pas voyager ou se marier sans autorisation, et ils n’ont accès ni au marché du travail, ni aux services publics (écoles et hôpitaux).
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