Visant un avant-poste stratégique des forces américaines sur la route de l’Asie, ce plan constituera « un avertissement crucial aux Etats-Unis », a prévenu la Corée du Nord. Car d’après elle « seule la force absolue » aura un effet sur le président américain. Cet avertissement fait suite à un tweet menaçant du chef de la Maison Blanche affirmant que l’arsenal nucléaire américain est « plus fort et plus puissant que jamais ». Quelques heures auparavant, Donald Trump avait stupéfait la communauté internationale en promettant au dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un « le feu et la colère », mise en garde qui semblait tout droit sortie du répertoire oratoire de Pyongyang.
Cette guerre rhétorique autour des programmes balistique et nucléaire de Pyongyang alimente les craintes d’une erreur de calcul qui aurait des conséquences catastrophiques sur la péninsule coréenne et au-delà. En juillet, le Nord a mené deux tirs réussis de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), mettant une bonne partie du continent américain à sa portée.
La région risque « une mini-crise des missiles cubains », juge John Delury, professeur à l’Université Yonsei de Séoul. En 1962, l’installation de fusées nucléaires soviétiques à Cuba avait provoqué une surenchère et fait craindre à la planète une guerre atomique.
Les propos incendiaires de M. Trump sont autant « d’absurdités », a déclaré le général Rak-Gyom, commandant des forces balistiques nord-coréennes, cité par l’agence officielle KCNA. « Un dialogue sensé n’est pas possible avec un gars comme ça qui a perdu la raison ».
L’armée nord-coréenne apportera les touches finales à son projet contre Guam d’ici la mi-août et le soumettra pour évaluation au jeune dirigeant nord-coréen, a-t-il ajouté. Quatre missiles seront tirés simultanément et survoleront les préfectures japonaises de Shimane, Hiroshima et Koichi, explique l’armée. Les engins « voleront 17 minutes et 45 secondes sur une distance de 3.356,7 km, et s’écraseront en mer à 30 ou 40 km de Guam ». Ils s’abîmeraient ainsi à l’extérieur des eaux territoriales américaines.
Le Japon, qui a averti par le passé qu’il abattrait tout missile menaçant son territoire, a réaffirmé qu’il ne « tolèrera jamais les provocations » du pays reclus.
Située dans le Pacifique-ouest, à quelque 3.500 km de la Corée du Nord, Guam compte des installations stratégiques américaines — bombardiers lourds à longue portée, chasseurs et sous-marins — qui participent régulièrement à des démonstrations de force sur et près de la péninsule coréenne, à la grande fureur de Pyongyang. Guam, où vivent 162.000 habitants, est également équipé d’un bouclier anti-missiles THAAD.
Le professeur Yang Moo-Jin, de l’université des Etudes nord-coréennes de Séoul, souligne le caractère inhabituel des précisions fournies par Pyongyang. « Le Nord semble être en train de dire que ce qu’il va faire sera conforme au droit international », dit-il à l’AFP. « Donc, on ne peut exclure qu’il mette ce projet en application ».
Et M. Delury d’ajouter: « ils essayent de faire en sorte que les Etats-Unis, la Corée du Sud et même le Japon ne prennent pas ça pour une véritable attaque ».
Pendant la Guerre froide, dans les années 1980, l’URSS avait tiré des missiles non armés qui s’étaient abîmés dans le Pacifique à un millier de kilomètres de Hawaï.
D’après les analystes, des tirs vers Guam placeraient Washington dans une position délicate: s’il ne tente pas de les intercepter, sa crédibilité en prendrait un coup et Pyongyang se sentirait pousser des ailes pour mener un test d’ICBM grandeur nature. Mais si une interception était tentée et qu’un missile y survivait, l’efficacité des systèmes de défense balistique américains seraient remis en cause.
« C’est une menace coercitive pour mettre fin aux vols de B-1 », a jugé sur Twitter Adam Mount, du Centre pour le progrès américain. « A la différence des menaces floues et incendiaires de Trump, celles de la Corée du Nord sont coercitives, claires, précises et présentent un risque crédible d’escalade. Y répondre est difficile ». Les tensions sur la péninsule coréenne tendent à s’aggraver au moment des exercices militaires conjoints entre Séoul et Washington et les prochains commencent autour du 21 août.
« L’interprétation nord-coréenne de la rhétorique de Washington diffère de l’interprétation occidentale des menaces habituelles de Pyongyang. Pour le Nord, les propos incendiaires de Trump sont une question de vie ou de mort », relève Hong Hyun-Ik, analyste à l’Institut Sejong.
Des milliers de Nord-Coréens ont défilé mercredi, les poings levés, dans les rues de Pyongyang, où les autorités avaient organisé des manifestations de soutien. « Dix millions de coeurs s’enflamment avec la promesse de défendre la mère patrie jusqu’à la mort », proclamait une banderole.
Heather Nauert, porte-parole du département d’Etat, a assuré que les Etats-Unis parlaient « d’une seule voix » en réponse aux spéculations sur le fait que M. Trump aurait pris son entourage par surprise. Mais le secrétaire d’Etat Rex Tillerson a dit ne pas croire à une attaque imminente vers Guam et exprimé l’espoir que la diplomatie prenne le dessus dans la crise.
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