Ce piratage, qui a frappé de nombreux comptes Twitter certifiés, dont ceux d’Amnesty International, du ministère français de l’Economie ou de la BBC Amérique du Nord, est survenu en pleine brouille diplomatique entre la Turquie et des pays européens, notamment les Pays-Bas et l’Allemagne, qui ont annulé des meeting électoraux de soutien à M. Erdogan ou refusé d’autoriser des ministres turcs à y participer.
En moins de 140 caractères, quelques émojis et une croix gammée, les hackers ont condensé dans leur message la rhétorique incendiaire dont usent les responsables turcs, M. Erdogan en tête, depuis le début de la crise à l’encontre de l’Allemagne et les Pays-Bas.
« #Allemagne nazie #Pays-Bas nazis. Voici une petite claque ottomane pour vous. #Rendez-vous le 16 avril. Vous voulez savoir ce que j’ai écrit? Apprenez le turc« , indiquait le message en turc figurant sur des comptes piratés.
Le message est suivi d’une vidéo d’extraits de discours de M. Erdogan, actuellement en pleine campagne pour obtenir un renforcement controversé de ses pouvoirs lors d’un référendum prévu le 16 avril.
Des captures d’écran ont été diffusées montrant les comptes également piratés de l’ancien Premier ministre français Alain Juppé, de l’ancien champion de tennis allemand Boris Becker ou encore du club de football allemand du Borussia Dortmund.
Le compte du Parlement européen a aussi été piraté. Pour son porte-parole, cette institution a été visée car elle « s’occupe en permanence de la situation en Turquie et s’exprime sur cette situation très souvent ».
« Nous sommes conscients de problèmes ce matin touchant de nombreux comptes (…) Nous avons localisé la source rapidement qui est limitée à une application tierce », a indiqué un porte-parole de Twitter.
L’application en question, Twitter Counter, une société basée aux Pays-Bas, a lancé de son côté une enquête sur le piratage dont elle a été victime et qui a permis le détournement de nombreux comptes, a dit son PDG Omer Ginor dans une déclaration à l’AFP.
Cette cyberattaque marque un nouveau palier dans une crise qui ne connaît pas de répit à l’approche du référendum en Turquie et d’échéances électorales dans des pays européens où les mouvements populistes ou d’extrême droite ont le vent en poupe. Aux Pays-Bas, où un scrutin législatif était en cours mercredi, le parti du député islamophobe Geert Wilders est donné en deuxième place par les sondages.
Outre ses sorties sur les pratiques « nazies » ou « fascistes« , M. Erdogan a évoqué mardi Srebrenica pour éreinter les Pays-Bas dont le contingent de Casques Bleus n’avait pas réussi à empêcher le massacre qui y a été commis en 1995 par les forces serbes de Bosnie.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker s’est dit « scandalisé » mercredi par les propos de M. Erdogan sur le « nazisme » de l’Allemagne et des Pays-Bas, les jugeant incompatibles avec l’ambition d’Ankara de rejoindre l’UE.
Pour le président du Conseil européen Donald Tusk, ces propos sont « détachés de la réalité ». « C’est bien de condamner » ce qui se passe en Turquie, mais « soyons honnêtes, MM. Tusk et Juncker, il faut geler les négociations d’adhésion maintenant », a tonné mercredi dans l’hémicycle du Parlement européen le chef de file des eurodéputés libéraux, le Belge Guy Verhofstadt.
Alors que l’issue du référendum s’annonce serrée, M. Erdogan a estimé dans un discours mardi à Ankara que la victoire du oui serait la meilleure réponse aux « ennemis » de la Turquie.
Le chef de la chancellerie allemande Peter Altmaier, proche de la chancelière Angela Merkel, a haussé le ton mardi soir en menaçant d’interdire aux dirigeants turcs de se rendre en Allemagne.
Bild, plus gros quotidien allemand, revendiquait en Une mercredi de dire « la vérité en face » à M. Erdogan, le proclamant persona non grata en Allemagne et dénonçant sa « folie du pouvoir ».
En dépit des tensions, la ministre allemande de la Défense, Ursula Von der Leyen a estimé dans une déclaration à l’AFP que la Turquie devait rester dans l’Otan, mais que les Alliés ne doivent pas pour autant « abandonner » les opposants au pouvoir turc.
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