« J’avais dit que je ne souhaiterais pas être Chef de gouvernement, mais comme j’ai accepté d’être le secrétaire général du parti, je n’ai plus le choix», lance d’emblée le patron du PAM, comme pour signifier qu’il ne tient pas à tout prix à tenir les rênes de l’Exécutif. En tout cas, il est prêt à remplir cette mission. Mieux encore, “je n’attribuerai en aucun cas mon échec à un quelconque tahakkoum”, promet le chef de file du parti du tracteur. Le message est adressé à son ennemi juré Abdelilah Benkirane, qui n’a de cesse de dénoncer ce qu’il appelle “tahakkoum”. Et d’enfoncer le clou : “La nature a horreur du vide. Quand un Chef de gouvernement n’exerce pas ses pouvoirs, il est normal que l’on s’immisce dans ses affaires.”
Ilyas Elomari, lui, promet de faire usage de toutes ses prérogatives s’il est nommé à la tête de l’Exécutif. Mais ce n’est pas l’unique argument de l’homme fort du Rif. Pour séduire les électeurs, un projet de programme d’une quarantaine de pages a été concocté par la “fine fleur” du parti, où la croissance, l’investissement, l’emploi, la parité, les libertés individuelles et l’éducation ont la part belle. Première remarque : le programme est trop ambitieux pour être réaliste. Elomari, on s’en doute bien, n’est pas de cet avis et tient à nous en convaincre. Rendez-vous le 5 septembre à Casablanca, au Palace d’Anfa, l’hôtel huppé où a lieu la présentation le même jour du programme du parti. Tout aussi sûr que Abdelilah Benkirane de remporter les élections, il nous égrène les ingrédients de sa recette magique pour éviter au Maroc la “faillite”.
Money, money, money
150 000, c’est le nombre d’emplois par an que compte créer le gouvernement Elomari. Explication : “On table sur un taux de croissance de 5% minimum, soit 30 000 emplois créés pour chaque point de croissance.” Une telle croissance n’est-elle pas chimérique s’il ne pleut pas ? “C’est 5% ou la faillite garantie. D’autant qu’avec un taux d’endettement de 81%, on ne peut plus emprunter”, se défend-il sur un ton grave. “D’ailleurs, à Tanger, on a déjà commencé le projet de la zone industrielle. Les Chinois se sont engagés à créer 150 000 emplois durant les trois premières années”, s’enorgueillit le président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Côté investissement, rien de nouveau sous le soleil, à cela près qu’il veut remonter la barre de la part de l’industrie dans le PIB : 20 au lieu de 14%. Il compte ainsi sur des filons qui ont le vent en poupe comme l’aéronautique ou l’automobile, sans délaisser d’autres secteurs à la traîne comme le textile, l’agroalimentaire, les industries minière et pharmaceutique. Il évoque de nouvelles incitations fiscales pour relancer les investissements. “Ces incitations sont nécessaires pour rendre le Maroc attractif et créer des emplois. A un certain stade, l’exonération est supprimée”, précise-t-il. Économie toujours, le chef du PAM a une nouvelle vision pour le tourisme, deuxième contributeur au PIB : revoir le Plan Azur. “Le Plan Azur se focalise sur le balnéaire et c’est une catastrophe. Le tourisme balnéaire classique est saturé, ce n’est que trois mois sur douze d’activité. Il faut équiper les stations de moyens de divertissements et s’ouvrir vers l’arrière-pays et les villes avoisinantes pour offrir un produit complet”, tente-t-il de convaincre. Et en guise d’alternative, il propose le tourisme culturel, pas suffisamment exploité selon lui. Ou alors ce qu’il appelle le Triangle d’or : Marrakech, Agadir et Ouarzazate. Mais où trouvera-t-on l’argent pour lancer autant de chantiers ? “On va prendre quelques décisions qui ne demandent pas beaucoup de moyens”, précise-t-il. Et en ces temps de vaches maigres, notre homme pense avoir plusieurs cordes à son arc : TVA de 30% sur les produits de luxe, taxe sur la pollution, évaluation de l’exonération sur les logements sociaux pour une éventuelle imposition… “Les impôts devraient servir à relancer l’investissement et non à payer les charges”, fait-il remarquer.
Sucrons les subventions
Benkirane s’est attaqué au fardeau de la compensation en supprimant les subventions aux hydrocarbures. Ilyas Elomari ne compte pas abandonner la réforme en promettant de mettre fin aux subventions destinées au gaz butane et au sucre. “Est-ce que toutes ces dépenses profitent à la classe pauvre ? Une simple enquête montrerait le contraire”, précise-t-il. Côté ciblage, il a d’ailleurs tout prévu, du moins en théorie : “Les moqaddems n’ignorent aucune information, il suffit de leur demander de lister les familles auxquelles les aides doivent être destinées. Une fois informatisé, le fichier servira de base pour déterminer combien de familles doivent être soutenues.” Question salaires, aucune hausse du SMIG n’est prévue. “Le salaire minimum doit suivre le développement économique”, explique le leader du parti du tracteur. “C’est vrai qu’avec le SMIG actuel, une famille ne peut même pas se loger correctement, ni envoyer ses enfants à l’école”, regrette Elomari. L’école publique, voici un axe du programme du PAM. “Est-il normal qu’un responsable politique défende l’arabe alors qu’il envoie ses enfants à la mission ? Est-il normal d’enseigner les mathématiques en arabe à l’école publique et en français dans le privé ?”, s’interroge-t-il d’un air révolté. “Il est temps de mettre fin à ce système à deux vitesses”. C’est pourquoi, nous dit-il, il faut se garder de privatiser l’éducation. “On ne peut pas privatiser l’éducation et la santé. Certes, il faut encourager l’investissement dans ces secteurs, mais pas aux dépens du public. Ce sont des secteurs stratégiques qui doivent être soutenus par l’État”, argumente-t-il en sirotant son thé.
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Les libertés, inchallah
Le PAM est un parti progressiste, se plaît à répéter Ilyas Elomari : “Je veillerai au respect des libertés individuelles.” Il promet ainsi de supprimer certains articles liberticides du Code pénal, comme ceux incriminant les relations sexuelles hors mariage ou encore la consommation d’alcool. “Il est inquiétant de constater que des citoyens se font de plus en plus justice eux-mêmes”, se désole l’adversaire de Abdelilah Benkirane. Passons à l’autre promesse. “Je n’autoriserai jamais l’interdiction d’un journal ou d’un livre. La censure est absurde à l’ère d’Internet, où tout est accessible à tout le monde”, promet-il. D’ailleurs, il propose même de doubler le budget du ministère de la Culture afin de soutenir “la création artistique”.
Femmes, je vous aime
Réformes du Code pénal et celui de la nationalité, égalité des genres au sein de l’administration, suppression des discriminations relatives au régime de la sécurité sociale. Voici un méli-mélo de ce que promet Elomari à la gent féminine. Dans le projet de programme du parti, on peut ainsi lire que la femme aura le droit de transmettre sa nationalité à son époux, comme elle aura droit aux terres collectives “sur un pied d’égalité avec les hommes”. Quid de la question de l’héritage ? Le secrétaire général du parti du tracteur reste plutôt évasif : “Il faut ouvrir le débat sur le sujet.” C’est qu’il est conscient qu’il s’agit, là, de la chasse gardée du Commandeur des croyants. Courageux mais pas téméraire, Elomari.
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