« En tant que chef de l’Etat et commandant en chef de nos forces militaires, j’ai ordonné le cessez-le-feu définitif avec les Farc à partir de 00H00 lundi prochain 29 août. Ainsi se termine le conflit armé avec les Farc! », a annoncé M. Santos sur le parvis du Congrès colombien et sous les applaudissements.
Les 297 pages de l’accord sous le bras et salué par les vivas de sympathisants brandissant de grandes colombes de papier blanc, le chef de l’Etat avait rejoint à pied le parlement depuis le palais présidentiel voisin, Casa de Nariño, situé au coeur historique de Bogota.
L’accord en six points a été scellé la veille au terme de près de quatre ans de pourparlers avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), principale guérilla du pays issue en 1964 d’une insurrection paysanne et qui compte encore quelque 7.500 hommes armés.
Ce conflit a fait au moins 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
« La négociation terminée et l’accord conclu, il vous revient, à tous les Colombiens, de décider par votre vote si vous appuyez cet accord historique qui met fin à ce long conflit entre enfants d’une même nation« , a déclaré mercredi soir M. Santos, qui doit, avec le chef suprême des Farc Timoleon Jimenez, alias « Timochenko », signer le texte à une date encore non précisée, mais avant le référendum qui permettra sa mise en application.
Pour que l’accord soit entériné par les électeurs le 2 octobre, il suffira que 13% votent « oui », soit 4,4 millions, et que le « non » recueille un score plus faible. La question exacte qui sera posée n’est pas encore connue.
En cas d’échec, « je ne crois pas qu’il y ait un espace pour renégocier, pour ouvrir de (nouveaux) pourparlers, après une expérience de quatre ans ici avec les Farc, c’est le moment de décider », a estimé jeudi à La Havane le chef de la délégation gouvernementale aux négociations, Humberto de la Calle.
« Grâce à la force et à la volonté du peuple colombien, la Colombie d’aujourd’hui avance vers un futur d’optimisme et d’espoir« , a salué jeudi à Washington le président américain Barack Obama. « La sécurité de notre hémisphère et du monde sera renforcée par le succès de la Colombie« , a ajouté la candidate à sa succession, Hillary Clinton.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait dès mercredi soir félicité les négociateurs, soulignant toutefois qu' »un effort tout aussi déterminé et exemplaire va être nécessaire pour appliquer les accords ».
« De nombreux défis restent à relever pour l’application de l’accord, qui devra aplanir le chemin pour une paix durable dans le pays, basée sur la justice et une authentique réconciliation nationale« , a averti la Haute représentante de l’Union européenne Federica Mogherini, depuis Bruxelles.
Tous les Colombiens ne voient pas d’un bon oeil ce qui a été négocié avec la guérilla. Notamment les sympathisants de l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010) qui fait campagne pour le « non », estimant que l’accord ouvre la voie à l’impunité de crimes atroces commis par les guérilleros.
Selon Erika Guevara Rosas, directrice d’Amnesty International pour les Amériques, « une paix durable et viable » dépend de la capacité des autorités à « garantir une véritable justice aux millions de personnes victimes de disparition, d’homicide, de violence sexuelle, de déplacement forcé et de torture » liés aux conflits armés.
De l’avis de l’analyste Jorge Restrepo, du Centre de ressources pour l’analyse des conflits (Cerac), cet accord est « une grande opportunité pour que la Colombie puisse enfin s’occuper des problèmes de politique publique qui ont été occultés par le grave problème du conflit armé« , dans ce pays miné aussi par le trafic de drogue, les inégalités et la corruption.
L’accord prévoit des mesures agraires; un programme de substitution des cultures illicites, sources de financement des groupes armés; la participation des guérilleros démobilisés à la vie politique. Il établit aussi des mécanismes de réparation pour les victimes du conflit, ainsi qu’une juridiction de paix apte à condamner les crimes les plus graves.
Une fois l’accord signé et entériné, les guérilleros devront se rassembler dans 31 zones déterminées de Colombie pour rendre les armes, sous supervision de l’ONU. Un processus prévu sur six mois.
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