Zakaria Boualem et le renvoi de Zaki

Par Réda Allali

C’est un Zakaria Boualem alerte et de bonne humeur qui vous accueille cette semaine. Il est joyeux, le bougre, et c’est plutôt rare.

Il a notablement diminué sa dose de réseaux sociaux et, comme par magie, une bonne partie de l’angoisse qui lui plombait le moral s’en est allée. C’est formidable. Il a aussi pris un peu de distance avec son téléphone, encore une brillante décision. Il se sent mieux, il arrive à se concentrer sans être interrompu par une affreuse alerte qui vient le prévenir que quelqu’un qui n’a rien à dire tient à le lui signaler. Nous avons un rapport passionnel avec le verbe, il était temps de discipliner tout cela. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les Marocains, le Boualem inclus, ont massivement rejeté le concept de message vocal. Nous l’avons remplacé par le harcèlement, bien plus efficace. Moins de téléphone, moins d’interaction, moins d’interruptions, et voici notre Boualem bien plus épanoui. Il est tellement détendu qu’il n’a même pas été surpris par la décision surréaliste de notre glorieuse Fédération royale marocaine de football de virer son coach Zaki. Il se doutait bien qu’ils allaient finir par craquer et nous produire, dans une convulsion grotesque, un de ces moments absurdes que nous connaissons bien. Rappelons que le coach en question est en tête de son groupe de Coupe d’Afrique et qu’il est toujours en lice pour la Coupe du Monde.

Sur le plan des résultats, donc, tout va bien. Et pourtant, nos dirigeants le savent, tout s’apprête à aller mal. Un succès, c’est assez évident, n’est qu’un signe trompeur d’un échec fatal. Plus un coach gagne, plus il se rapproche de la défaite, c’est logique. Il fallait donc le virer avant que les mauvais résultats n’arrivent, c’est-à-dire maintenant. C’est du management anticipatif, une sorte de “minority report” de la gestion footballistique. Le plus amusant dans cette affaire, c’est que Zakaria Boualem est d’accord avec nos responsables: il considère, comme eux, qu’avec Zaki, nous allions dans le mur. Le bonhomme génère plus de conflits que de buts, énerve tout le monde et ne fait jamais progresser ses équipes. D’ailleurs, et c’est frappant, il ne parle jamais de football, il préfère les discours sur la discipline (peut-être qu’il aurait dû faire carrière dans l’armée).

Mais alors, pourquoi l’avoir pris? Parce que, à quelques mois de la CAN que nous étions supposés organiser, c’était le choix du peuple. Un choix sans risque. En cas d’échec, on allait enfin faire taire ses supporters et passer à autre chose, et en cas de succès -hautement improbable- on allait pouvoir festoyer. Oui mais voilà, la CAN a été annulée, on ne sait pas trop pourquoi, et Zaki est resté en place, invirable parce qu’il n’avait pas perdu une CAN qu’on n’avait pas jouée.

La poisse! Au final, on le vire sans raison un an plus tard, son ombre va planer sur ses successeurs et les bghinazakistes se trouvent renforcés. Nous avons donc obtenu exactement le résultat inverse que celui qu’on recherchait, il est donc difficile de parler de succès. Il faut saluer notre capacité à nous plonger dans des situations complètement tordues. Si le football est bien l’expression collective représentative d’une société, alors on est foutus les amis. Parce que ce que nous faisons avec notre équipe nationale est tout simplement catastrophique. Depuis 2000, nous avons eu seize coachs. Oui, seize coachs en seize ans, c’est une statistique prodigieuse. Six nationalités ont été représentées. Il y a eu une période avec quatre coachs en même temps, et d’autres longues périodes sans personne. Il y a eu un coach qui n’a joué aucun match, un autre qui n’en a fait qu’un. Un festival, croyez-moi. À titre de comparaison, la fédération allemande, qui a été créée en 1908, a connu onze entraîneurs dans son histoire. Il n’y a rien à ajouter. Et merci.