Marek Halter signe un roman inspiré de la vie de la Mère des Croyants

L’écrivain juif œcuménique Marek Halter signe un roman intéressant, inspiré de la vie de la Mère des Croyants.

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A quarante ans, Khadija bint Khouwaylid est la plus riche veuve de Mekka, importante cité du Hijaz, située à l’intersection des routes caravanières reliant plusieurs royaumes limitrophes : l’Abyssinie, le Yémen, le Cham, ainsi que les deux grands empires de la région que sont la Perse sassanide et Byzance. Grâce à sa haute lignée et à la fortune héritée de son ex-époux, Khadija jouit de la même considération habituellement dévolue aux puissants représentants de la dizaine de clans qui dirigent la cité. Intelligente et décidée, Khadija mène d’une main de fer ses affaires, à partir de sa grande demeure mecquoise. L’été, à l’instar des plus privilégiés, elle fuit les grandes chaleurs en se réfugiant à l’ombre des figuiers de sa propriété nichée dans la montagne de Taef. Il est un seul privilège auquel Khadija – qui reste une femme – ne saurait accéder : siéger à l’Assemblée des Anciens, là où se gèrent les affaires de la cité et où chacun défend ses intérêts . Elle a beau tenir jalousement à son indépendance, il lui faut un homme pour l’y représenter. Encore belle, malgré son âge – avancé pour l’époque –, Khadija ne manque pas de prétendants. Si elle a rejeté, d’un revers de main, de nombreuses demandes de mariage, elle est bien obligée de considérer avec davantage d’attention l’offre de son cousin Abou Soufyane, chef du clan des Banou Oumayya. Aussi riche et d’ascendance aussi aristocratique qu’elle, Abou Soufyane est, de surcroît, réputé pour sa beauté, sa vigueur et sa prestance. Il est également connu pour sa morgue et sa cupidité. De toute façon, la dame est trop fière pour n’être qu’une deuxième épouse – après la jeune Hind bint Ôtba –, sans compter les nombreuses concubines et autres conquêtes que collectionne son cousin.

La rencontre prophétique

À la surprise générale, Khadija bint Khouwaylid jette son dévolu sur un quasi inconnu. Certes, Mohammed Ibn Abdallah est de très vieille lignée, celle du clan des Abdalmouttalib, mais, orphelin de père et de mère, il est pauvre au point de ne pas posséder sa propre chamelle. Elle a pris à son service ce simple caravanier sur les recommandations d’Abou Talib, oncle et père adoptif du jeune homme – il n’a que vingt-cinq ans. Mais Khadija sait ce qu’elle fait. Timide et de maintien modeste, Mohammed n’en a pas moins la taille svelte, les cheveux abondants et bouclés, le nez fin et la bouche large, les yeux noirs, ourlés de longs cils recourbés. Il est, en outre, doté de grandes qualités morales. D’une honnêteté à toute épreuve, il est aussi vaillant qu’intelligent, juste et pondéré – d’aucuns diront rusé. Surtout, il possède un talent qu’en terre d’Arabie on vénère par-dessus tout : une éloquence exceptionnelle. Mais ceci personne ne le sait encore. Personne sauf Khadija. Auprès d’elle, Mohammed apprend vite et bien. Chez elle, il passe de longues soirées à discuter avec un certain Waraqa Ibn Nawfal. Ce cousin de Khadija est un Hanif, fils de Hanif. Les Hanifs sont une minorité d’Arabes lettrés qui croient en un Dieu unique et lisent les textes anciens, écrits en hébreu, en araméen, peut-être en grec aussi. Vingt-cinq ans durant, Mohammed et Khadija formeront un couple exceptionnellement soudé au regard des mœurs de l’époque et du lieu. Jamais le futur prophète ne songera, du vivant de Khadija, à prendre une autre épouse, pas même à étreindre une de ses jeunes esclaves, comme il en avait pleinement le droit.

Une fiction respectueuse

Basé sur les rares faits que relate la Tradition au sujet de la Mère des Croyants – surnommée ainsi car la première personne à recueillir les premiers éléments de la Révélation –, l’ouvrage de Marek Halter n’est, en aucun cas, une biographie documentée mais un roman. Une fiction, certes très respectueuse de la doxa musulmane, mais dans laquelle le lecteur averti décèlera maintes approximations et autres omissions. Il n’empêche que cet auteur à succès sait nous emporter sur les pas de cette extraordinaire personnalité dont le prophète a dit : « Quand j’étais pauvre, elle m’a enrichi ; quand tout le monde m’abandonnait, elle m’a réconforté ; quand on me traitait de menteur, elle a cru en moi. » À lire donc, avec circonspection.  

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