Le département de l’Habitat vient de soumettre un nouveau cadre législatif pour redynamiser les nouveaux pôles urbains.
On efface tout et on recommence. Le ministère de l’Habitat revoit sa démarche pour la création de villes nouvelles. Celle-ci se fera selon un nouveau processus qui sera introduit par une future loi dédiée, à laquelle le département de Nabil Benabdallah est en train d’apporter la dernière touche. Il faut dire que l’expérience des nouveaux ensembles urbains initiée depuis 2004 au Maroc n’a pas été un franc succès. Depuis qu’elles ont été mises sur les rails, Tamesna, dans la périphérie de Rabat, Tamansourt, aux abords de Marrakech, Chrafate, aux environs de Tanger et Sahel Lakhyayta près de Casablanca avancent laborieusement (voir encadré). Pour sauver les meubles, la recette du ministère de l’Habitat consiste jusqu’à présent en des plans de relance de ces pôles. Le premier profite à Tamesna depuis mars 2013, et Tamansourt est la prochaine ville sur la liste.
Coordination interministérielle
Le premier grand apport du projet de loi est la création d’un comité interministériel des villes nouvelles. Placé sous l’autorité du Chef du gouvernement, celui-ci remplira le rôle de chef d’orchestre qui a jusqu’à présent fait défaut dans le développement de nouveaux pôles urbains. « Aucun organe n’assure aujourd’hui la coordination globale entre tous les acteurs concernés par la réalisation de villes nouvelles. Cela nuit à la conception, la planification, la réalisation ou encore à la mobilisation du financement des nouveaux pôles », explique un responsable au sein du ministère de l’Habitat. Pour remédier à cela, le comité se chargera directement d’assurer l’organisation et la concertation avec les départements et organismes concernés par la réalisation de villes nouvelles. En plus de rassembler tous ces intervenants, le comité les engagera contractuellement sur leurs réalisations. Au-delà de cette responsabilité, l’organe interministériel interviendra dès les premiers stades du développement de nouveaux pôles pour évaluer leur opportunité, le choix du site ou encore la viabilité économique (études d’impact et de faisabilité). Le comité effectuera aussi toute recherche relative à la mobilisation des financements nécessaires à la réalisation des nouveaux pôles urbains et aura la charge de lever tout obstacle éventuel d’ordre technique ou financier. Le rôle du comité inclut également l’évaluation des réalisations.
Organismes dédiés
Mais mettre en place un organe qui gère toute la politique des villes nouvelles au niveau national ne suffit pas à régler le problème. Encore faut-il qu’une entité dédiée se charge de la bonne opérationnalisation de chaque nouveau pôle et qu’elle dispose de tous les pouvoirs qui lui sont nécessaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. « L’aménageur public Al Omrane, qui a la charge des principales villes nouvelles lancées, ne dispose pas toujours des leviers nécessaires pour mener à bien sa mission », estime-t-on au ministère de l’Habitat. Pour y remédier, ce sont à présent des « organismes en charge de la mise en œuvre de la ville nouvelle » qui prendront la relève. Ces structures peuvent consister en un établissement public ou une société de droit privé, dont le capital est détenu en majorité par l’Etat, et ont d’abord intérêt à faire siéger dans leur conseil d’administration des membres de l’autorité locale dont relève la future ville nouvelle (présidents de conseil régional, communal…). Cela devrait assurer l’appui de ces instances aux projets de villes nouvelles, sachant qu’actuellement elles ne se montrent pas toujours coopératives. Ce qui n’a pas manqué de gripper la machine au niveau de certains nouveaux pôles, confie-t-on chez Al Omrane. Au-delà de cet aspect, les organismes en charge de villes nouvelles font office de véritable autorité sur le territoire des nouveaux pôles à plusieurs échelons.
En matière d’urbanisme d’abord, ces entités élaborent, en concertation avec les collectivités locales concernées, le plan de la ville nouvelle, qui est l’équivalent juridique et technique du plan d’aménagement. Par la suite, elles se substituent à l’autorité locale pour la mise en œuvre de ce plan. Parallèlement, les organismes en charge doivent, selon la loi, maîtriser totalement le foncier support de la ville nouvelle par son acquisition, les deux premières années qui suivent sa création. Cette mission est facilitée par certaines dispositions prévues par la loi. Celle-ci introduit en effet une procédure urbanistique spéciale pour les villes nouvelles consistant à prescrire leur création par décret. Ce dernier délimite, entre autres, le périmètre de la ville nouvelle et gèle momentanément les opérations de construction et les transactions immobilières sur le terrain devant l’accueillir. Par ailleurs, l’apurement du foncier est facilité pour les organismes habilités du fait que la loi leur confère les droits reconnus à l’Etat en matière d’expropriation à l’intérieur du périmètre de la ville nouvelle. La responsabilité de ces organismes se poursuit encore quand la ville nouvelle est effectivement mise sur les rails puisqu’ils procèdent aux travaux nécessaires à la réalisation de la ville nouvelle, et, surtout, ils délivrent les autorisations de construire ainsi que les permis d’habiter, sans oublier qu’ils doivent constater les infractions à la loi en matière d’urbanisme.
Trouver le financement
Sur un autre plan, la responsabilité des organismes en charge couvre la recherche et la mobilisation des financements nécessaires à la réalisation de la ville nouvelle. Et là encore, la nouvelle loi leur donne un coup de pouce bienvenu, puisqu’ils bénéficieront des produits des taxes parafiscales prélevées au niveau de la ville nouvelle, tout en précisant que le pôle en construction bénéficiera du statut de commune urbaine à part entière. Dans l’état actuel des choses, ces recettes sont perçues par les communes rurales qui abritent les nouveaux pôles, ce qui, il faut le dire, est injuste étant donné que la gestion au quotidien est assurée par la structure en charge de la mise en œuvre de la ville nouvelle.
Cela étant, il faut préciser que l’organisme habilité ne se voit accorder ses pouvoirs par la nouvelle loi que de manière transitoire, en attendant la remise de la ville nouvelle à la commune concernée. Dans l’actuelle mouture de la loi, cette remise doit intervenir après la réalisation des travaux d’infrastructure et de construction d’au moins 30% des logements et l’emménagement d’au moins 25% des populations attendues. En somme, la nouvelle loi profite du retour d’expérience des premiers pôles construits jusqu’à présent et apporte des solutions ciblées pour l’avenir. Reste à mettre en œuvre rapidement ses dispositions pour contenir au plus vite les dégâts.
Développement. On est loin du compte En dépit de plusieurs années de développement et de centaines de millions de dirhams engloutis, aucune des villes nouvelles n’est aujourd’hui à la hauteur des attentes, ainsi qu’il ressort des chiffres de l’aménageur public Al Omrane, développeur de ces villes. Le premier des nouveaux pôles urbains, lancé fin 2004, Tamansourt, près de Marrakech, n’a pu capter en 10 ans d’existence que 53 000 habitants sur une population de 450 000 prévue initialement. Avec quelque 21 300 logements, en cours de construction ou déjà livrés, on reste jusqu’à présent très loin de l’objectif initial de 90 000 unités pour la ville nouvelle. Tamesna, mise sur les rails début 2007 près de Rabat, est elle aussi loin du succès qu’on lui prédisait. En 7 ans de développement, 10 000 unités seulement sont livrées ou sont en voie de l’être. On reste très loin des 55 000 logements qu’elle était supposée accueillir. Côté population, Tamesna est loin d’avoir fait le plein avec tout juste 35 000 habitants sur un objectif de 250 000. Et encore, Tamesna et Tamansourt font office de très bons élèves comparées aux autres. Chrafate, aux abords de Tanger, lancée depuis 2009, en est toujours à l’étape de l’aménagement. Aucune des 6000 unités en chantier n’a été livrée, sachant que 30 000 habitats sont prévus pour ce pôle. La ville nouvelle de Lakhyayta près de Casablanca, dont les travaux ont démarré depuis fin 2007, avance plus lentement encore. Seule une première tranche de 635 ha sur une surface totale de 1800 ha a été lancée difficilement. Au rythme où vont les choses, bien des années seront nécessaires pour parvenir aux 60 000 logements et 300 000 habitants programmés pour ce pôle. |
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