Avortement: le Pr Chraïbi va retrouver son poste

La polémique autour du limogeage du médecin et militant contre l’avortement clandestin aura servi à quelque chose : il devrait reprendre ses fonctions au CHU de Rabat très bientôt, et le gouvernement organise un débat sur la réforme de la loi.

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Le professeur Chafik Chraïbi. Crédit: AFP

Le pr Chafik Chraïbi, démis de ses fonctions de chef de service de la maternité des Orangers de Rabat après le tournage d’un reportage sur l’avortement diffusé sur la chaîne France 2 en décembre 2014, devrait se voir restituer son poste dans les semaines qui viennent, confirme-t-il à Telquel.ma.

« Mais la procédure, la même que pour ma destitution, doit suivre son cours, la commission se réunir, etc. » explique le fondateur de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (Amlac) avant d’ajouter « mais c’est secondaire à mes yeux, ce qui compte, ce sont les débats organisés sur la question dans les semaines qui viennent par le gouvernement et l’association ».

Une polémique qui a donné un coup d’accélérateur à la réforme

La polémique soulevée par la destitution par le ministère de la Santé du professeur Chraïbi, qui a reçu le soutien de nombreuses associations et militants pour les droits de l’Homme, pourrait finalement avoir servi à faire avancer un débat au point mort depuis plusieurs années.

Le ministre de la Santé a ainsi assuré à Telquel.ma il y a quelques jours qu’une commission mixte constituée de membres des ministères de la Santé, de la Justice, mais aussi de représentants du Conseil des oulémas travaillait « depuis plusieurs mois » à réviser les articles 449 à 504 du Code pénal qui sanctionnent lourdement la pratique de l’avortement sauf si la vie de la mère en danger.

Houcine El Ouardi avait ajouté que lorsque la commission aurait suffisamment  avancé dans ses travaux, les membres de la société civile et les personnes impliquées seraient consultés.

Un débat organisé cette semaine par le gouvernement

Or, Chafik Chraïbi nous apprend que les ministres de la Santé et de la Justice ont prévu un débat sur la question pas plus tard que ce mercredi 11 mars. Un débat auquel il a été convié en tant que président de l’Amlac, mais auquel participeront aussi le président du Conseil national des droits humains (CNDH), le président de l’ordre des médecins et des représentants du Conseil des oulémas.

Sans donner beaucoup de détails, le ministre de la Santé avait indiqué que la commission travaillait dans l’optique de libéraliser l’avortement en cas de viol, inceste, malformation fœtale ou maladie mentale de la mère, et qu’elle serait ouverte aux propositions et aux remarques.

Ce débat sera suivi par un autre, le 16 mars, organisé à la Bibliothèque nationale de Rabat par l’Amlac avec un collectif d’une quarantaine d’associations militant pour les droits de l’Homme.  Le sujet : « L’amendement de l’article 453 du Code pénal » précise le médecin. Houcine El Ouardi devrait s’y rendre, ce qui marquera la fin de cette polémique. Le représentant de l’OMS, mais aussi les chefs des partis politiques ont aussi accepté d’y participer, ajoute le médecin.

Consultés par Telquel.ma cette semaine, plusieurs partis de la majorité (PJD) ou de l’opposition (PAM, USFP) se sont déclarés en faveur d’une libéralisation partielle de l’avortement, ou du moins pour un débat sur la question.  Un débat que préconisait déjà le PJD déjà en 2012, à son arrivée au gouvernement.

Lire aussi: Comment la légalisation de l’avortement est passée aux oubliettes

Rappelons que selon l’Amlac, entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour. De plus, l’avortement « kamikaze » serait l’une des principales causes de mortalité maternelle. Car si les plus chanceuses (et les plus aisées) vont en clinique privée ou dans un cabinet médical, les autres font appel à des kablates (sages femmes), à des herboristes, se font souvent avoir par les pires charlatans, et finissent aux urgences.

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  • Il y a deux visions de l’avortement :

    1) La vision progressiste, qui permet à une fille d’éviter
    d’être
    mère dans de trop mauvaises conditions pour elle et pour l’enfant
    (viol, trop grande précarité sociale…). Un avortement dont le droit à
    la récidive devrait être contrôlé, pour qu’une liberté acquise ne
    tourne pas au droit à l’irresponsabilité menant au meurtre de masse.

    2)
    La vision réactionnaire, celle du « mon corps m’appartient » de la
    femme dégradée en jouisseuse consommatrice qui, ne voulant pas voir plus
    loin que ses désirs individualistes conçus comme des droits (c’est mon
    choix), a perdu tout sens du devoir ; tout sens du lien de l’enfantement
    avec le sacré (donner la vie) et le collectif (perpétuer l’espèce).

    A.S