Selon le sondage mené en février dernier par téléphone auprès d’un échantillon de 1019 personnes, dont les résultats ont été publiés le 18 avril, “la darija est la langue parlée par tous les Marocains, dont 94% l’ont comme langue maternelle”. Cette variante dialectale de l’arabe s’impose comme la langue du quotidien, utilisée par “100% des Marocains” de manière courante, selon le sondage.
Bien que sans statut officiel, elle “gagne de plus en plus en visibilité grâce à son usage croissant sur Internet, dans la publicité et même dans certains débats télévisés”, précise l’étude, qui souligne que “certains activistes plaident pour sa reconnaissance, estimant qu’elle reflète mieux la réalité linguistique du Maroc que les langues officielles imposées”.
29% des Marocains parlent l’arabe classique
Langue de référence dans l’éducation et l’administration, l’arabe classique est “couramment parlé par 29% des Marocains, davantage auprès des moins de 34 ans (34%)”, indique le rapport.
Cette prédominance chez les jeunes générations reflète les progrès de l’alphabétisation au fil des décennies. L’étude souligne également que son usage est “plus fréquent auprès des urbains (37%) et de la CSP A/B (44%)”.
Langue de l’écrit, des discours officiels et de la religion, il constitue un lien linguistique fondamental entre les Maroc et le monde arabe, souligne l’étude.
L’amazigh, héritage culturel préservé
25% des Marocains parlent couramment l’amazigh, dont 21% l’ont comme langue maternelle, relève le rapport, avec une concentration particulière dans le sud du pays (39%).

Le fait que “son usage reste stable à travers les générations” est interprété comme un signe de “sa pérennité dans la culture marocaine”.
Le français, une influence persistante, mais contrastée
D’après l’étude, 19% des Marocains parlent couramment le français, qui “n’a aucun statut officiel, mais demeure omniprésent dans l’administration, l’éducation et le monde de l’entreprise”.
Le rapport met en évidence une “dynamique générationnelle remarquable en forme de U” avec un léger pic chez les 55-64 ans (18%), une faible proportion auprès des 35-54 ans (14%), “probablement liée aux politiques d’arabisation mises en œuvre au Maroc dans les années 1980”, et un pic chez les jeunes de moins de 34 ans (24%).
L’étude souligne par ailleurs que “les catégories aisées A/B affichent un taux élevé (43%), 7 fois supérieur à celui des classes populaires D/E (6%)”.
L’anglais gagne du terrain
Le rapport montre que 9% des Marocains maîtrisent également l’anglais, davantage les moins de 34 ans (17%), les urbains (12%), et les CSP A/B (22%).
Cette progression s’explique par “son intégration croissante dans l’éducation” et “son poids dans les opportunités professionnelles”, ajoute l’étude. Le rapport précise que “l’attrait des jeunes pour les contenus anglophones — séries, musique, jeux vidéo et plateformes en ligne — contribue également à cette dynamique”.
Concernant les autres langues étrangères, seulement 1% des Marocains parlent couramment l’espagnol ou l’allemand, révèle l’étude.
Des usages différenciés selon les contextes
L’enquête révèle des contrastes marqués entre les contextes d’utilisation. La darija domine “largement à l’oral, que ce soit dans les échanges personnels (94%) ou professionnels (69%)”, tandis que le français s’impose davantage dans les communications professionnelles écrites (32% contre 39% pour la darija).
Le rapport précise que “l’arabe classique et l’amazigh sont moins utilisés”, bien que “l’amazigh conserve une présence significative à l’oral (19% en usage personnel)”.
14% des Marocains sont trilingues
L’étude constate enfin que “45% des Marocains sont monolingues” (parlant uniquement la darija), tandis que “34% sont bilingues” et “14% trilingues”.
Les bilingues parlent davantage darija et amazigh (48%), darija et arabe classique (37%), et darija et français (12%). Les trilingues, quant à eux, parlent surtout darija, arabe classique et français (42%), darija, amazigh et arabe classique (27%), et darija, français et anglais (21%).
Le multilinguisme apparaît comme un marqueur social : il est plus répandu “auprès des jeunes générations, des urbains et des catégories socioprofessionnelles élevées”, note le rapport.