[Tribune] Biologie moléculaire & IA, booster l’innovation en santé des femmes

Yahya El Mir, PDG de Ziwig, ne tourne pas autour du pot : “Sans cette fusion inédite entre séquençage génomique et algorithmes prédictifs, l’endométriose resterait une énigme.” Sa biotech a mis au point EndoTest, un diagnostic salivaire combinant microARN et IA pour identifier la maladie en 48 heures. Une avancée qui prouve que décrypter l’invisible passe par l’alliance de la science moléculaire et de la tech. Oui, la médecine de précision n’a plus à choisir entre labos et data.

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Yahya El Mir. Crédit: DR

Il est temps de le dire clairement : la santé des femmes est restée trop longtemps à la marge de l’innovation. Comme si la moitié de l’humanité ne méritait pas l’attention, les moyens, ni la technologie que l’on mobilise ailleurs. Comme si elle constituait une niche thérapeutique. C’est faux. C’est injuste. Et c’est surtout intenable.

Pendant ce temps, les douleurs chroniques, les diagnostics tardifs, les traitements approximatifs continuent de rythmer la vie de millions de femmes. Prenons l’endométriose. Une femme sur dix. Des années d’errance médicale. Une souffrance invisible, souvent banalisée.

Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour commencer à y répondre avec des outils adaptés ? Parce qu’il manquait deux choses fondamentales :

• La capacité scientifique à détecter ce que le corps murmure.

• Et la puissance technologique pour interpréter ces signaux faibles.

Aujourd’hui, ces deux leviers existent. Et ensemble, la biologie moléculaire et l’intelligence artificielle changent radicalement la donne. Ce n’est plus une intuition. C’est une réalité scientifiquement consacrée. Les prix Nobel 2024 eux-mêmes en témoignent : en médecine, ce sont les microARN qui ont été mis à l’honneur — ces petits messagers moléculaires, essentiels pour réguler l’expression des gènes et désormais considérés comme des biomarqueurs de premier plan.

En physique, c’est l’intelligence artificielle qui a été récompensée, pour ses applications révolutionnaires dans la modélisation, l’analyse et l’interprétation de phénomènes complexes. Et en chimie, les travaux primés ont mis en lumière la capacité de l’IA à prédire la structure tridimensionnelle des protéines, comme l’a fait AlphaFold — une avancée qui transforme la recherche biomédicale et le développement de nouveaux traitements.

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Ces distinctions ne sont pas anecdotiques. Elles envoient un message fort : la convergence entre biologie moléculaire et IA est en train de redessiner les frontières de la médecine.

Prenons un exemple concret : l’ARN salivaire. Il permet d’identifier des biomarqueurs de maladies longtemps restées invisibles. Grâce au séquençage de nouvelle génération (NGS), on peut désormais analyser en quelques heures des centaines de milliers de données biologiques.

Et lorsque l’on y applique des modèles d’IA puissants, on découvre des signatures pathologiques précises : endométriose, cancers, maladies auto-immunes… Ce n’est plus de la science-fiction. Ce sont des résultats cliniques. Des équipes pluridisciplinaires. Des brevets. Des plateformes automatisées. Des échantillons analysés à l’échelle industrielle.

C’est la réalité d’acteurs comme Ziwig, qui montrent qu’un diagnostic plus juste, plus rapide, non invasif est non seulement possible… mais déjà en cours. Avec une simple salive, on peut enfin poser un mot sur des années de douleurs inexpliquées.

L’endotest de Ziwig.Crédit: Ziwig

Alors oui, ces technologies peuvent devenir un booster d’innovation pour la santé des femmes. Mais cela n’arrivera pas tout seul. Voici les conditions nécessaires pour que ce changement prenne racine et devienne systémique :

  •     Soutenir la recherche interdisciplinaire, celle qui fait tomber les silos.

  •     Ancrer la validation scientifique à chaque étape du développement.

  •     Diffuser à l’échelle mondiale, pour que l’impact soit réel, durable et massif.

  •     Écouter les patientes, et les accompagner avec des outils digitaux adaptés, respectueux et sécurisés.

Et surtout, piloter par le sens. Parce que réparer cette inégalité historique, c’est plus qu’un enjeu médical : c’est une responsabilité collective.

La révolution de la santé des femmes ne viendra pas d’un miracle. Elle viendra de la science. De l’audace. Et de la conviction que l’innovation doit servir toutes et tous.

Alors, biologie moléculaire + IA, booster de l’innovation en santé des femmes ? OUI, OUI, OUI — avec force, avec foi, avec exigence.

Yahya El Mir : l’alchimiste qui fusionne biologie et IA

Yahya El Mir est à la tête de Ziwig, une entreprise spécialisée dans les technologies de santé. Chimiste de formation, il a démarré sa carrière dans l’innovation numérique en fondant KeenVision en 1998, une société pionnière dans l’analyse de données pour la gestion de la relation client. Introduite en Bourse seulement deux ans après sa création, KeenVision a marqué l’essor des technologies CRM à la fin des années 1990. El Mir rejoint ensuite SQLI, entreprise de services numériques, dont il devient président du directoire. Sous sa direction, SQLI mène une stratégie de croissance active : le groupe atteint 2000 ingénieurs, réalise une vingtaine d’acquisitions et renforce sa présence à l’international, en particulier en Europe.

En 2020, il décide de concentrer ses efforts sur une problématique médicale encore peu explorée : la prise en charge des pathologies féminines complexes, notamment l’endométriose. Avec EndoTest, un test salivaire de diagnostic de cette maladie, Ziwig propose une approche basée sur l’analyse des microARN. Ces biomarqueurs, récemment mis en lumière par le prix Nobel 2024, sont analysés grâce au séquençage ADN et à des algorithmes d’intelligence artificielle. L’objectif affiché est de raccourcir les délais de diagnostic, aujourd’hui estimés entre 7 et 10 ans. Yahya El Mir défend une méthode non invasive et accessible, qu’il a présentée lors d’une intervention au TEDxParis en 2024.

Fort d’une expérience de 25 ans dans la health tech, El Mir mise sur la complémentarité entre experts médicaux et data scientists pour faire avancer la recherche. Selon lui, chaque échantillon traité par Ziwig peut générer jusqu’à 500.000 données exploitables. En 2024, il a été distingué par le prix EY de l’Entrepreneur de l’année pour la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Les travaux de Ziwig ne se limitent pas à l’endométriose. L’entreprise s’intéresse aussi à d’autres pathologies féminines, telles que certains cancers gynécologiques ou maladies auto-immunes. Yahya El Mir souhaite ainsi contribuer à une meilleure compréhension de ces maladies à l’aide des outils de la biologie moléculaire et de l’intelligence artificielle.