Les condamnations et les mises en garde se sont multipliées quant aux conséquences catastrophiques de la « puissante » opération terrestre promise par Israël dans la ville surpeuplée de Rafah, où sont massés 1,5 million de Palestiniens.
Les responsables humanitaires du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de la Fédération des Croix-Rouge et Croissant-Rouge, de MSF (Médecins sans frontières) et d’agences de l’ONU se sont relayés devant un parterre de diplomates pour prévenir qu’il sera bientôt impossible d’assurer même le maigre filet d’aide qui parvient encore dans ce territoire palestinien.
« Nous touchons aux limites du langage et de ce qu’on peut décrire en matière de situation humanitaire », a ainsi expliqué Mirjana Spoljaric, la présidente du CICR. Aux diplomates, elle a rappelé la responsabilité de chacun de leurs pays pour faire respecter les lois de la guerre, établies par les Conventions de Genève.
« Il n’est pas dans votre intérêt de vous décharger de cette responsabilité (…) sur les acteurs humanitaires », a lancé devant l’assemblée Mme Spoljaric. « Si la manière dont les opérations sont conduites aujourd’hui réduit nos moyens d’opérer au minimum (…) nous ne pourrons pas résoudre le problème », a-t-elle poursuivi. « Cela n’a aucun sens de reprocher aux acteurs humanitaires de ne pas en faire assez. Vous devez nous permettre d’en faire plus », a-t-elle ajouté.
Christopher Lockyear, le secrétaire général de Médecins sans frontières, a renchéri : « Quand on parle d’aide humanitaire, on parle d’une illusion d’aide ».
Le responsable de l’aide humanitaire des Nations unies, Martin Griffiths, a quant à lui averti les diplomates de ne pas « s’imaginer que la communauté humanitaire puisse agir comme une brigade de secours pour les personnes massées dans cette zone ». « Les conditions ne le permettent pas », a-t-il affirmé.
Israël insiste sur la nécessité de son opération terrestre pour éliminer le Hamas. Ce mouvement islamiste a effectué le 7 octobre une attaque sans précédent ayant fait 1.160 morts en Israël, pour l’essentiel des civils.
Depuis lors, les forces armées de ce pays pilonnent sans relâche la bande de Gaza et ont réalisé des opérations terrestres d’abord dans le nord de ce territoire puis de plus en plus au sud.
La guerre contre le Hamas a fait 28.663 morts, en très grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, dans la bande de Gaza, selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas.
Pour Martin Griffiths, et contrairement à ce qu’affirme Israël, « l’évacuation vers un endroit sûr à Gaza est une illusion ».
« Nous devons être tout à fait réalistes », a-t-il déclaré, avertissant que la possibilité que l’opération militaire déclenche un « débordement » de panique en Egypte était un « cauchemar… qui est juste sous nos yeux ».
L’ambassadeur égyptien Ahmed Ihab Gamaledin, qui présidait la réunion, a exhorté les Etats à « rejeter haut et fort toute tentative de déplacement forcé des Palestiniens. »
Les réfugiés de Rafah ne se trouvent qu’à quelques kilomètres de la frontière fermée avec l’Egypte.
S’adressant clairement aux Occidentaux et en particulier aux Etats-Unis, l’ambassadeur palestinien Ibrahim Khraishi a demandé « des mesures pratiques », comme l’arrêt de l’aide militaire à Israël ou du recours au veto au Conseil de sécurité des Nations unies.
« Nous vous remercions pour vos émotions et… pour votre soutien financier mais je pense que si les choses continuent, peut-être que cette aide humanitaire ne sera plus nécessaire, parce qu’il n’y aura plus personne pour en bénéficier », a-t-il lâché.