Le système de commercialisation des produits agricoles, qui reste marqué par un ensemble de fragilités et de dysfonctionnements organisationnels et fonctionnels, a été l’un des facteurs qui ont contribué au renchérissement des prix des principaux produits alimentaires, et ce, parallèlement aux dysfonctionnements enregistrés en matière de gestion des ressources hydriques, exacerbés par les sécheresses récurrentes, la crise sanitaire et les répercussions de la guerre en Ukraine, sur le coût des facteurs de production”, explique le CESE dans une alerte.
Dans ce contexte exceptionnellement difficile, l’inflation a culminé des niveaux jamais atteints depuis le début des années 1990, avoisinant, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), 11 % en moyenne pour les produits alimentaires sur l’année 2022, fait savoir la même source.
Face à cette situation et afin de limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des citoyens et ne pas compromettre la sécurité alimentaire du pays, les pouvoirs publics ont pris un ensemble de mesures d’urgence, à l’image des opérations de contrôle des prix et de lutte contre les spéculations, de la régulation de l’export pour sécuriser l’approvisionnement du marché intérieur, du soutien aux professionnels du secteur du transport routier et de la levée des droits de douane et de la TVA sur l’importation des viandes rouges (bovins) dans le sens de compenser la baisse de l’offre locale.
Des efforts insuffisants
Toutefois, estime le CESE, ces efforts n’auront pas suffi à résorber le renchérissement des prix des produits alimentaires dans un contexte marqué notamment par la persistance de la tendance haussière des prix des intrants agricoles et des produits phytosanitaires. Cette situation est attribuable à un ensemble de facteurs domestiques à caractère structurel, notamment l’absence d’un cadre de gouvernance global et intégré du processus de commercialisation des produits agricoles entraînant plusieurs insuffisances en matière d’organisation des marchés des produits agricoles (marchés de gros et souks hebdomadaires) et la prédominance des circuits parallèles de commercialisation (vente informelle).
Il s’agit aussi de la faible capacité des petits et moyens agriculteurs à s’organiser pour écouler, dans de bonnes conditions, leurs produits. À cela s’ajoute une digitalisation encore très faible des processus de commercialisation et de valorisation des produits agricoles qui ne facilite pas l’accès direct et fluide des petits et moyens agriculteurs aux différents marchés et débouchés.
Le CESE soulève également une intermédiation excessive et peu contrôlée qui favorise la spéculation et la multiplication des intervenants, pénalise le producteur, impacte la qualité des produits en rallongeant les circuits de distribution et partant, renchérit le prix de vente final au consommateur. Le prix d’un produit peut, parfois, tripler ou quadrupler avant d’arriver au consommateur.
Limiter la spéculation
À la lumière des différents constats et analyses établis par le Conseil dans ses différents avis, il est proposé de prendre un ensemble de mesures permettant d’organiser les circuits de commercialisation des produits agricoles et de limiter la spéculation des intermédiaires, ainsi que d’accélérer la réforme des marchés de gros en adoptant un dispositif ouvert à la concurrence et conditionné par le respect d’un cahier de charges et en mettant en place une réglementation qui clarifie le fonctionnement interne des marchés, les modalités d’éligibilité des intervenants, et le nouveau système de redevances.
Le CESE préconise de développer les circuits courts de commercialisation à caractère coopératif
En outre, le CESE préconise de développer les circuits courts de commercialisation à caractère coopératif, promouvoir le commerce de proximité et encourager les petits et moyens agriculteurs à se regrouper dans des coopératives en s’inspirant des approches adoptées par la filière sucrière et la filière laitière et de mettre en place un cadre juridique encadrant les pratiques de stockage des produits agricoles soit à des fins de consommation ou destinés ultérieurement à la culture et permettant de lutter efficacement contre l’entreposage à des fins spéculatives.
Le Conseil recommande aussi d’accélérer la transformation digitale de la commercialisation des produits agricoles, notamment à travers la conception de plateformes digitales permettant aux agriculteurs, d’une part, d’accéder instantanément aux données sur les prix réels afin de mieux négocier avec tous les intervenants de la chaîne de commercialisation, et d’autre part d’écouler directement une partie de leurs produits, ainsi que de mettre en place un cadre réglementaire précis et opposable pour repenser et réguler le rôle et les missions du métier de l’intermédiaire qui explicite ses droits et ses obligations au niveau de la chaîne de commercialisation.
Il est également question d’élargir l’étendue et renforcer la fréquence des opérations relatives au contrôle des prix et au respect de la concurrence pour lutter efficacement contre les pratiques spéculatives dans les différents secteurs concernés par la hausse des prix et de mettre en place un “observatoire des prix et des marges”, qui pourrait être abrité par le Conseil de la concurrence, pour aider à la détection de tout comportement d’accumulation non justifiée des marges de profit au détriment du pouvoir d’achat des citoyens.
(avec MAP)