Au milieu du mobilier mauresque et art déco de l’hôtel La Mamounia, l’ouverture de la 11e édition des “Atlantic Dialogues” a eu des allures de retrouvailles… familiales. Ouvert à Marrakech pour deux jours (14 au 16 décembre), ce forum annuel organisé par le Policy Center for the New South (PCNS) se tient, pour la première fois depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19, en présentiel.
Pour ne pas donner un brusque coup d’arrêt à cette événement annuel qui ambitionne de “promouvoir un débat Nord-Sud sans complaisance, sur un pied d’égalité, afin d’esquisser des solutions novatrices”, le think tank marocain avait choisi d’organiser les éditions 2020 et 2021 par vidéoconférence. Cette année, les 350 invités issus d’une soixantaine de pays ont pu assister aux débats de cette 11e édition sous le thème “Coopération dans un monde en mutation : opportunités pour l’Atlantique élargi”, dans un contexte de “polycrises” avec la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les crises migratoire, énergétique et même alimentaire qu’elle a entraînées.
Nouvelles voies de coopération
Pour la plupart des habitués, la liste des intervenants comporte tout de même cinq anciens chefs d’État et de gouvernement dont Jean-Pierre Raffarin, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, mais aussi d’anciens ou actuels diplomates comme Amre Moussa, l’ex-secrétaire général égyptien de la Ligue arabe (Égypte), Ana Palacio, l’ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, Omar Hilale, le représentant permanent du Maroc à l’ONU, ou encore Carlos Lopes (Guinée Bissau), ancien secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique.
Ces grands noms de la diplomatie et de la géopolitique mondiales ont ainsi emprunté les couloirs lambrissés pour défiler dans la salle de bal du luxueux palace marrakchi où ils ont débattu avec des chercheurs, des experts et technocrates des questions politiques, sécuritaires, énergétiques et géopolitiques issus d’autres think tanks comme le German Marshall Fund, le South African Institute for International Affairs (SAIIA) ou encore l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Publiée en amont du forum, la 9e édition des Atlantic Currents, la publication phare du PNCS, revient en huit chapitres sur les grands questionnements actuels du Sud global et fournit des pistes de positionnement des pays de l’Atlantique sur des questions comme la coopération Nord-Sud, la sécurité alimentaire, l’inflation ou encore la dette.
📸 Snapshots of the #AD2022 launch of the 9th Edition of #AtlanticCurrents, the annual report of the Wider #Atlantic perspectives and patterns.
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📺 https://t.co/SfzCGESCLe pic.twitter.com/jUDrGftDX4— Policy Center for the New South (@PolicyCenterNS) December 14, 2022
L’écoute en partage
“Après 10 ans, nous avons trouvé un juste équilibre entre le Nord et le Sud dans cette conférence, avec une ambiance particulière, quelque chose d’unique. Ce sont les valeurs des Atlantic Dialogues : s’écouter mutuellement à travers une analyse basée sur les faits, avec un engagement envers un minimum de valeurs partagées. Nous ne devons pas être d’accord sur tout, mais nous devons avoir un minimum de valeurs communes pour coopérer ensemble”, a fait savoir Karim El Aynaoui, le président du PCNS dans son mot de bienvenue.
Depuis 2014, c’est ce docteur puis professeur en économie à l’Université de Bordeaux qui dirige le think tank alors créé sous le nom d’OCP Policy Center. Karim El Aynaoui est aussi cité parmi les membres du cercle de ceux qui susurrent à l’oreille de Mostafa Terrab, le PDG du groupe OCP Africa.
Économiste à la Banque mondiale de 1997 à 2005, il avait rejoint le Maroc pour prendre la tête du département des études du cabinet d’Abdellatif Jouhari, le président de Bank Al Maghrib. Aujourd’hui vice-président de l’Université Mohammed VI Polytechnique et doyen de son pôle Sciences sociales, économie et humanités, Karim El Aynaoui aspire à faire de son think tank la courroie de transmission de l’ambition du Maroc de compter parmi les pays leaders de l’espace atlantique.
Malgré la politique de diversification de ses partenaires étrangers, la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, le rapprochement du royaume avec les pays andins ou des Caraïbes appuient l’idée d’un prisme atlantiste dans la politique étrangère marocaine.
Surtout que ces dernières années, vu les relations houleuses avec certains de ses partenaires européens, le royaume a entrepris de se tourner de plus en plus vers l’Afrique atlantique, notamment en profitant de ses liens historiques, économiques, politiques, diplomatiques ou encore religieux, mais aussi par des investissements massifs dans des projets régionaux.
Citons, à titre d’exemple, le plus en vue : le gazoduc Nigéria-Maroc, un projet de pipeline offshore de 5600 kilomètres devant traverser 14 pays du continent. Suffisant pour faire du Maroc un pays leader dans l’Atlantique ? L’avenir le dira.
L’espace Atlantique, c’est quoi ?
Théorisé par des chercheurs, doctorants et économistes aux États-Unis dès les années 1970, cet espace est constitué d’une centaine de pays ayant une façade sur l’océan Atlantique, vaste de 106.000.000 km². Selon ces théoriciens, cet espace qui représenterait 60 % du PIB mondial présente un potentiel de coopération qui devrait le faire peser dans l’ordre géopolitique mondial.