Prostitution et histoire coloniale : annulée à Casablanca, une expo sur Bousbir présentée à Genève

L’exposition sur Bousbir, l’ancien quartier casablancais réservé à la prostitution sous le Protectorat, annulée à la dernière minute à Casablanca en 2021, sera présentée à l’Université de Genève, en Suisse, du 22 novembre 2022 au 20 janvier 2023.

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Prostituées du quartier Bousbir à Casablanca, vers 1900. Crédit: DR

L’exposition sur Bousbir, l’ancien quartier réservé à la prostitution à Casablanca sous le Protectorat, aurait dû être présentée à la Villa des Arts de Casablanca entre novembre 2021 et janvier 2022.

Mais pour des raisons floues — “des cas de Covid-19” pour les uns, “un cas de force majeure”, sans plus de détails, pour les autres, selon nos sources — l’exposition avait été déprogrammée brusquement, la veille de l’inauguration. TelQuel avait cependant pu avoir accès aux photographies et documents de cette exposition qui retrace la vie du quartier de sa création à aujourd’hui.

Initiée par deux chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), Jean-François Staszak et Raphaël Pieroni, qui ont également dirigé un ouvrage collectif paru en 2020 intitulé Quartier réservé, Bousbir, Casablanca (éditions Georg), l’exposition baptisée “Quartier réservé – Prostitution coloniale, Casablanca, 1923-1955”, se tiendra finalement du 22 novembre 2022 au 20 janvier 2023 à l’UNIGE et présentera le quartier de Bousbir tel qu’il était à cette époque.

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“Construit sur ordre de l’administration du Protectorat français pour ‘nettoyer’ Casablanca et encadrer la prostitution, le quartier était une immense maison close à ciel ouvert, où exerçaient dans des conditions proches du travail forcé 400 jeunes filles, maures pour la plupart, rappellent les commissaires d’exposition dans un communiqué. Unique au monde par sa taille et son décor des Mille et Une Nuits, Bousbir fut vite l’objet de nombreux reportages et cartes postales, devenant la principale attraction touristique de Casablanca”.

Des documents d’archives et photographies, dont les clichés pris par Denise Bellon en 1936, documentent ainsi la vie quotidienne de ce quartier construit par l’administration française pour y confiner la prostitution de 1923 à 1955, jusqu’à ce que les femmes en soient expulsées pour y loger des militaires des forces auxiliaires. Des photographies du Bousbir d’aujourd’hui signées Melita Vangelatou sont également présentées dans l’exposition.

“Raconter le passé de Bousbir, c’est écrire, dans une perspective évidemment critique, une histoire largement oubliée : celle de la France et celle du Maroc, celle des femmes qui ont vécu et officié à Bousbir et celle des clients ou des touristes qui l’ont visité”, expliquent les commissaires.

C’est aussi “faire la géographie d’une forme urbaine” et “réfléchir sur la place matérielle et symbolique” des femmes en situation de prostitution dans les villes, indiquent-ils.